a joie: ma fille; c'etait sans doute pour m'avertir
d'une terrible nouvelle que Clotilde etait venue au-devant de moi.
--Valentine?
Elle me rassura d'un mot. Valentine etait chez sa nourrice. Elle
m'entraina. Une voiture nous attendait. Nous partimes. Elle etait dans
mes bras.
--Toi, disait-elle, c'est toi, enfin!
La voiture roula longtemps sans qu'il y eut d'autres paroles entre nous.
Enfin elle voulut m'interroger. Elle n'avait pas recu mes lettres et
c'etait par les journaux qu'elle avait appris ma mort, brusquement, un
soir. Quel coup!
Et elle me serra dans une etreinte passionne.
Pendant trois mois elle m'avait pleure. Ma depeche lui avait appris en
meme temps et ma vie et mon arrivee.
Je la regardai et la lueur d'un bec de gaz devant lequel nous passions
me montra son visage pale qui gardait les traces de cette longue
angoisse.
Je lui racontai alors comment je lui avais ecrit, comment j'avais ecrit
aussi a Poirier qui, lui, avait recu ma lettre et m'avait repondu. Mais
elle n'avait pas vu Poirier depuis mon depart.
--Que de souffrances evitees, s'ecria-t-elle, si Poirier m'avait
communique ta lettre!
Je crus qu'elle parlait de ses souffrances pendant ces trois mois, mais,
depuis, ce mot m'est revenu et j'ai compris sa cruelle signification.
La voiture s'arreta: je regardai: nous etions devant ma porte.
--Chez moi?
--Cela te deplait donc, dit-elle en me serrant la main, que je vienne
chez toi? Je vais monter pendant que tu expliqueras a ton concierge que
tu n'es pas un revenant.
Elle baissa son voile et entra la premiere. Bientot je la rejoignis.
Quelle joie! Il y avait bientot un an que nous nous etions quittes.
Enfin un peu de calme se fit en nous, en moi plutot. Malgre mon ivresse,
il m'avait deja semble remarquer qu'il y avait en Clotilde quelque chose
qui n'etait point ordinaire. Je l'examinai plus attentivement et la
pressai de parler.
Elle se jeta a mes genoux et un flot de larmes jaillit de ses yeux: elle
suffoquait; elle me serrait dans ses bras; elle m'embrassait, elle ne
parlait point.
--Eh bien, oui, s'ecria-t-elle, il faut parler, il faut tout dire, mais
la coup qui nous atteint est si horrible que je n'ose pas.
Effraye, je cherchais de douces paroles pour la rassurer et la decider.
--Tu sais comment j'ai appris ta mort, dit-elle. Alors, au milieu de ma
douleur, j'ai eu une pensee d'inquietude affreuse, non pour moi, ma vie
etait brisee, mais pour Valentine
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