des troupes espagnoles jusqu'au moment ou notre
petit corps d'armee s'est mis en mouvement.
Espagnols, Anglais, Francais, chacun tirait a soi; Prim, arrive au
Mexique avec des projets d'ambition personnelle, tachait d'arranger les
choses de maniere a se preparer un trone; les Francais, au contraire,
ou au moins certains negociateurs parmi les Francais, s'efforcaient de
rendre tout arrangement impossible de maniere a ce que la guerre fut
inevitable.
Ce fut ainsi qu'au moment ou le Mexique etait dispose a donner toute
satisfaction aux allies et a mettre fin par la a l'expedition,
l'arrangement ne fut pas conclu parce que les plenipotentiaires francais
exigerent que le gouvernement mexicain executat pleinement le contrat
passe avec le banquier Jecker.
Par ce que je t'ai deja dit, tu sais de qui ce banquier est l'associe,
et tu sais aussi qu'il a abandonne a cet associe 30 pour 100 sur le
montant des creances qu'il reclame au Mexique. Mais ce que tu ne sais
pas, c'est que cette creance reunie a quelques autres et qui s'eleve au
chiffre de 60 millions de francs, ne represente en realite qu'une somme
de 3 millions due veritablement au banquier Jecker. C'est donc pour
faire valoir les reclamations de ce banquier ou plutot celles de son
puissant associe (car M. Jecker, sujet suisse, n'eut jamais ete soutenu
par nous s'il avait ete seul), c'est pour faire gagner quelques millions
a M. Jecker et C^o que l'arrangement qu'on allait signer a ete repousse
par les plenipotentiaires francais. Et comme consequence de ce fait,
c'est pour des interets aussi respectables que la France s'est lancee
dans une guerre qui pourra nous entrainer beaucoup plus loin qu'on ne
pense, car ceux qui croient que le Mexique est une Chine qu'on soumettra
facilement avec quelques regiments se trompent etrangement.
Quand on a ete dans la coulisse ou agissent les ficelles qui tiennent
des affaires de ce genre, quand on a vu les acteurs se preparer a leurs
roles, quand on a entendu leurs reflexions, on n'a qu'une envie: sortir
au plus vite de cette caverne ou l'on etouffe.
Aussi, quand on commenca a parler de marcher en avant, ce fut avec
une joie de sous-lieutenant qui arrive a son regiment la veille d'une
bataille, que j'accueillis cette bonne nouvelle.
J'allais donc pouvoir monter a cheval, je n'aurais plus de lettres, plus
de rapports a ecrire; je redevenais soldat.
Sans doute cette declaration des hostilites retardait mon retour en
France,
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