e, et ce que je savais de l'organisation
de nos troupes, de leur approvisionnement en vivres et en munitions, ne
me permettait pas d'admettre qu'on se fut lance ainsi dans une aventure
qui pouvait offrir de serieuses difficultes.
Cependant ces bruits se repetant et se confirmant, je commencai a
etre assez inquiet, et j'accelerai encore ma marche: les Mexicains
paraissaient decides a la resistance, et, en raison du petit nombre
de nos troupes, en raison surtout des difficultes de terrain que nous
aurions a traverser, ils pouvaient tres-bien nous faire eprouver un
echec. Il fallait que le general en chef fut prevenu.
Aussi, en arrivant a Puebla, au lieu de coucher dans cette ville, comme
j'en avais eu tout d'abord l'intention, je continuai ma route tant que
nos chevaux purent aller, c'est-a-dire a trois ou quatre lieues au dela.
Jusque-la, j'avais pu voyager sans etre inquiete; car dans ce pays, qui
etait menace d'une guerre par les Francais, on laissait les Francais
circuler et aller a leurs affaires sans la moindre difficulte. Mais dans
ce hameau, ou nous nous arretames, il me parut qu'il devait en etre
autrement.
Bien que je ne parlasse que l'espagnol avec mon guide, il me sembla
qu'on me regardait d'un mauvais oeil, et pendant le souper il y eut des
allees et venues, des colloques a voix basse entre notre hote et deux ou
trois chenapans a figure sinistre qui n'etaient pas rassurants.
Mon repas fini, je tirai mon guide a part et lui dis qu'il aurait a
coucher dans ma chambre, sans m'expliquer autrement. Mais il avait comme
moi fait ses remarques et il me repliqua que, bien qu'il ne crut pas que
nous fussions en danger, il fallait prendre ses precautions, que dans
ce but il se proposait de coucher a l'ecurie a cote de nos chevaux pour
veiller sur eux, car c'etait sans doute a nos betes qu'on en voulait et
non a nous; qu'en tout cas, si nous etions attaques, il nous fallait nos
chevaux pour nous sauver.
L'observation avait du juste, je le laissai aller a l'ecurie et je
montai seul a ma chambre; a quoi d'ailleurs m'eut servi un Mexicain
peureux qu'il m'eut fallu defendre en meme temps que je me defendais
moi-meme?
Ma chambre etait au premier etage de la maison et on y penetrait par une
porte qui me parut assez solide. J'ouvris la fenetre, elle donnait
sur une petite cour carree, fermee de deux cotes par des murs et du
troisieme par l'ecurie. Il faisait un faible clair de lune qui ne me
montra rien de suspec
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