fit ce que les observations, les inductions,
les raisonnements n'avaient pu faire, elle me demontra jusqu'a
l'evidence que Clotilde ne voulait pas me prendre pour mari.
Pourquoi?
Un autre que moi examinant cette question eut trouve l'explication de sa
resistance dans des raisons personnelles, c'est-a-dire dans la fatigue
d'une liaison qui durait depuis trop longtemps. Seul peut-etre je ne
pouvais accepter cette conclusion, car chaque jour j'avais des preuves
certaines que son amour ne s'etait point affaibli et qu'il etait
maintenant ce qu'il avait ete pendant les premiers mois de notre
liaison. Seulement, la mort de Solignac ne lui avait pas fait faire un
pas decisif: Clotilde voulait bien etre aimee par moi, elle voulait bien
m'aimer, elle ne voulait pas plus.
Ce n'etait donc pas dans des raisons personnelles qu'il fallait
chercher, mais dans des raisons professionnelles, si l'on peut
s'exprimer ainsi, c'est-a-dire que le motif determinant de son refus
etait dans ma position. Elle ne voulait pas prendre pour mari, un homme
qui n'etait rien et qui n'avait rien. En agissant ainsi, etait-elle
entrainee par l'interet? Jamais je ne lui ait fait l'injure de le
supposer un instant; legataire de M. de Solignac, elle etait assez riche
pour n'avoir pas besoin de s'enrichir par un nouveau mariage. Ce qui la
dominait, c'etait l'opinion du monde. Elle ne voulait pas qu'on put dire
qu'elle avait epouse par amour un homme de rien. Que le monde, au temps
ou elle etait mariee, dit que cet homme etait son amant, elle n'en avait
eu souci. Mais qu'il dit maintenant que de cet amant elle faisait
son mari, c'etait ce qu'elle ne pouvait supporter. Etrange morale,
contradiction bizarre, tout ce qu'on voudra; mais c'etait ainsi; et
d'ailleurs, il ne serait peut-etre pas difficile de trouver d'autres
femmes qui aient agi de cette maniere.
Avant la naissance de Valentine, j'avais souffert de ne pas voir
Clotilde venir au-devant de mes desirs en me donnant ce dernier
temoignage d'amour. Mais enfin, comme elle m'aimait, comme elle me
donnait d'autres marques de tendresse, comme rien n'etait change dans
notre vie intime, je m'etais resigne a rester dans cette situation tant
qu'elle voudrait la garder: pourvu que je la visse chaque jour; pourvu
qu'elle fut a moi, c'etait l'essentiel. Le mariage viendrait plus tard,
s'il devait venir. J'avais son amour, et c'etait son amour seul que je
voulais; le sacrement matrimonial ne pouvait y ajouter q
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