n reparlerons.
Ce retard ne donnait que trop clairement a entendre ce que serait cette
resolution. Elle fut en effet d'attendre, attendre encore; un mariage
suivant de si pres la mort de M. de Solignac etait un aveu brutal. On
cacherait la grossesse, et pour cela nous irions a l'etranger.
Ce fut ainsi que nous partimes pour l'Angleterre et que nous allames
nous etablir dans l'ile de Wight, a Ryde, ou, sous un faux nom, nous
occupames une villa de _Brigstoche Terrace_.
J'aurais eu le coeur libre de toute preoccupation que les sept mois que
nous passames la auraient assurement ete les plus beaux de ma vie. Nous
etions libres, nous etions seuls, et jamais amants, jamais mari et femme
n'ont vecu dans une plus etroite intimite. Pour tout le monde, en effet,
nous etions mari et femme, excepte pour nous, helas!
Cependant ces sept mois s'ecoulerent vite dans cette ile charmante ou
chaque jour nous faisions de delicieuses promenades, et ou les jours
de pluie nous avions pour nous distraire la vue splendide qui de notre
terrasse s'etendait sur les cotes du Hampshire, le detroit du Solent et
les flottes de navires aux blanches voiles qui passent et repassent sans
cesse dans cette baie.
Quand le terme fatal arriva, nous quittames l'ile de Wight pour Londres,
obeissant en cela a une nouvelle exigence de Clotilde.
--Vous vous etes jusqu'a present conforme a mon desir, me dit-elle,
et je saurai un jour vous payer le sacrifice que vous m'avez fait si
genereusement. Maintenant, j'ai une nouvelle grace a vous demander. Il
faut que la naissance de notre enfant soit cachee. Ici, il serait trop
facile de la decouvrir. Allons a Londres.
Nous allames a Londres ou elle donna naissance a une fille que j'appelai
Valentine, du nom de ma mere.
--Maintenant, me dit Clotilde, tu es bien certain que je serai ta femme,
n'est-ce pas, et notre enfant doit te rassurer mieux que toutes les
promesses. Laisse-moi donc arranger notre vie pour assurer notre amour
sans rien compromettre.
Au bout d'un mois, nous revinmes a Paris et j'allai conduire ma fille
chez une nourrice qui m'avait ete trouvee a Courtigis sur les bords de
l'Eure. La veuve d'un de mes anciens camarades, madame d'Arondel, habite
ce pays; c'est une tres-excellente et tres digne femme qui voulut bien
me promettre de veiller sur ma fille et d'etre pour elle une mere en
attendant le moment ou la mere veritable voudrait se faire connaitre.
LVII
La naissance de ma fille
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