it nous afficher
pour le present, et en meme temps ce serait donner de notre passe une
explication que le monde ne pardonnerait pas.
Je n'avais rien a repondre a cette morale mondaine, ou plutot la
surprise, l'indignation et la douleur ne me permettaient pas de dire ce
que j'avais dans le coeur: les paroles seraient allees trop vite et trop
loin.
Je me conformai a ce qu'elle exigeait, nous adoptames un genre de vie
qui devait respecter ses singuliers scrupules, et bien entendu il ne fut
pas question entre nous de mariage. Nous avions le temps, suivant
son expression; ce n'etait pas a moi maintenant qu'il appartenait de
s'occuper de notre avenir; l'experience du present m'etait une trop
cruelle lecon.
Le temps s'ecoulait ainsi, lorsqu'un fait se presenta qui exaspera
encore ma reserve a ce sujet. Clotilde se trouva enceinte.
De meme qu'elle m'avait souvent parle autrefois de son desir d'etre ma
femme, de meme elle m'avait parle souvent aussi de son desir d'avoir un
enfant. "Un enfant de toi, me disait-elle, un enfant qui te ressemble,
qui porte ton nom, pourquoi n'est-ce pas possible?" Il semblait donc
que, ce souhait realise, elle devrait en etre heureuse.
Ce fut la figure sombre et avec un veritable chagrin qu'elle m'annonca
cette nouvelle.
Mon premier mouvement fut un transport de joie; mais je n'etais
malheureusement plus au temps ou je m'abandonnais a mon premier
mouvement. Avant de repondre par un mot ou par un regard de bonheur,
j'examinai Clotilde: son attitude me confirma ce que le son de sa voix
m'avait deja indique.
Pour toute autre femme, il n'y avait qu'une issue a cette situation, le
mariage. Mais telles etaient les conditions dans lesquelles nous nous
trouvions places que je ne pouvais pas prononcer ce mot si simple, car
aussitot l'enfant devenait un moyen dont je me serais servi pour forcer
un consentement qu'on ne donnait pas de bonne volonte.
Je ne repondis pas.
--Vous ne me repondez pas, dit-elle, en me regardant.
--Vous etes convaincue, n'est-ce pas, que ce que vous m'apprenez me
donne la joie la plus grande que je puisse recevoir de vous; mais que
puis-je vous repondre? C'est a vous de parler. Que voulez-vous pour
nous? que voulez-vous pour cet enfant? que voulez-vous pour moi?
Elle resta pendant plusieurs minutes silencieuse:
--J'ai la tete troublee, dit-elle, je ne saurais prendre en ce moment
une resolution sur un sujet de cette importance; laissez-moi reflechir,
nous e
|