cette femme. Dans sa beaute vigoureuse,
dans son regard ardent, dans ses mouvements ondoyants, dans toute sa
personne enfin, il y a une voix qui parle une autre langue que celle de
l'ame. Malgre qu'on veuille et qu'on fasse, on ne peut pas rester pres
d'elle sans etre entraine dans un tourbillon d'idees ou ce n'est pas
l'esprit qui commande en maitre.
Quand j'ai passe une heure dans sa loge, quand son pied s'est pose sur
le mien, quand sa main a cherche et serre la mienne dans une furtive
caresse, quand, sous pretexte de me dire un mot a l'oreille, ses
levres ont effleure ma joue, je ne suis point dans des dispositions a
m'agenouiller devant elle et a l'adorer de loin respectueusement.
Quand, dans une visite chez elle, j'ai eu le bonheur de la trouver
seule; quand je l'ai tenue serree dans une longue etreinte, mes yeux sur
ses yeux, son souffle mele au mien; quand de sa voix vibrante, en me
regardant jusqu'au plus profond du coeur, elle m'a dit ce mot qu'elle
me repete souvent: "Suis-je votre femme, Guillaume, est-ce comme votre
femme que vous m'aimez et m'estimez?" quand, pendant ces visites qui se
prolongent longtemps, chaque mot a ete un mot d'amour, chaque regard une
caresse, chaque sourire une promesse; quand, pendant de longs silences,
la main dans la main, les yeux dans les yeux, nous sommes restes
fremissants, enivres, lies puissamment l'un a l'autre par ce courant
magnetique que la chair degage et transmet, je ne peux pas rentrer
calme chez moi, et me mettre tranquillement au travail en me disant que
Clotilde est un ange.
Femme au contraire; femme ou demon: c'est la femme que j'aime; c'est le
demon qui allume la fievre dans mes veines, que j'adore et que je desire
ardemment. Je ne suis ni un vieillard ni un saint; j'ai trente ans, et,
comme dit Lindet, je suis un officier de cavalerie.
Malgre tout, les choses eussent pu durer longtemps ainsi, sans un
incident qui tout d'abord semblait devoir desesperer mon amour et qui au
contraire fit son bonheur.
L'ete arrive, M. de Solignac avait trouve qu'il ne pouvait pas rester a
Paris. Ce n'etait pas qu'il eut des gouts bucoliques qui l'obligeassent
a aller respirer l'air pur des champs. Ce n'etait pas non plus que
Clotilde aimat beaucoup la campagne, car, ainsi que presque toutes les
femmes qui ont ete menacees de vivre a la campagne, elle adorait Paris.
Mais les lois du monde commandaient, et il etait inconvenant de rester a
Paris quand les gens marquants eta
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