ient dans leurs terres.
N'ayant ni terre ni chateau hereditaire, M. de Solignac avait loue une
maison sur le coteau qui s'etend entre Andilly et Montmorency, et il
avait fait aux convenances le sacrifice de s'etablir pour trois mois,
dans cette maison, une des plus charmantes de ce charmant pays.
Trois mois! En apprenant cette nouvelle, j'avais ete desole. Comment
vivre pendant trois mois sans voir Clotilde chaque matin! Comment rompre
mes habitudes de chaque jour! Mon miroir muet pendant trois mois,
c'etait impossible!
Pour m'adoucir cette desolation, Clotilde m'avait fait inviter a diner
tous les mercredis a Andilly; et comme je n'etais plus au temps ou
certains scrupules m'arretaient, j'avais accepte avec bonheur.
Le troisieme mercredi qui suivit cette installation a la campagne, je
vis venir Clotilde au-devant de moi quand j'entrai dans le jardin. Elle
etait souriante, et il y avait dans son regard quelque chose de gai qui
me frappa.
--Une bonne nouvelle, dit-elle en me tendant la main, nous sommes
libres, nous sommes seuls. M. de Solignac est parti hier a l'improviste
pour Londres. Je devais vous en prevenir; _j'aurai_ oublie. Nous
avons deux heures avant le diner: que veux-tu en faire? Tu es maitre,
commande.
--D'abord je veux ton bras.
Elle se serra contre moi.
--Comme cela?
--Tes yeux.
Elle pencha sa tete en arriere et me regarda longuement.
--Comme cela?
--Maintenant, allons droit devant nous.
--J'avais prevu ton desir, j'ai la clef du bois.
Et par la porte qui ouvre sur la foret, nous sortimes. Ce que fut cette
promenade en plein bois, seuls, libres, serres l'un contre l'autre,
parlant sans retenir notre voix, nous regardant sans souci des importuns
ou des jaloux,--un emerveillement, un reve. Comme le soleil etait
radieux; comme l'ombre etait fraiche; comme la musique de la brise
dans le feuillage des trembles etait douce, se melant aux chants des
fauvettes qui voletaient ca et la sous les taillis!
Ces deux heures passerent comme un eclair, et Clotilde, qui n'avait pas
perdu au meme degre que moi le sentiment de la vie ordinaire, me ramena
a la maison.
--Et diner! dit-elle. Comme je _devais_ etre seule, je n'ai pas pu
ordonner le menu que j'aurais voulu. Cependant, tout en commandant un
diner pour moi, je crois que je suis arrivee a le faire faire au gout de
mon ami. Nous allons voir si j'ai reussi.
Le couvert etait mis sous une veranda qui prolonge la salle a manger
ju
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