'a dit qu'il voulait qu'on ecrivit regulierement le nom des personnes
qui se presenteraient.
--Comment allez-vous faire alors, puisque precisement, par suite de vos
precautions, on ne se presentera pas?
--Je vais faire dresser un livre de faux noms que je dicterai moi-meme,
car la situation est telle qu'il faut que personne ne sache la maladie
de M. de Solignac, alors que lui-meme croira que tout le monde en est
informe. Comme le docteur Horton lui a interdit de recevoir, j'arriverai
peut-etre a le tromper. On dira aux gens d'affaires qui voudront le voir
qu'il est indispose.
--Mais si le secret est bien garde par vous et vos gens, des
indiscretions peuvent etre commises par les personnes chez lesquelles il
a ete frappe. Ou a-t-il eu cette congestion?
--Je crois savoir chez qui, dit-elle avec embarras, mais je ne sais pas
dans quelle maison et je ne peux pas le demander a M. de Solignac. Enfin
je vais faire tout ce que je pourrai pour etouffer le bruit de cette
maladie et je vous prie de n'en parler a personne.
--Doutez-vous de moi? dis-je en la regardant en face.
--Non, mon ami, puisque je m'ouvre a vous et vous explique les
consequences terribles qu'une indiscretion pourrait amener. Vous voyez
que je n'ai pas craint de mettre la vie de M. de Solignac entre vos
mains. Songez qu'il y a cinq ou six jours a peine, dimanche precisement,
parlant a table, il disait: "Pour moi, a moins d'etre tue par hasard ou
d'etre frappe d'apoplexie, je suis certain d'apprendre ma mort au moins
six ou huit heures a l'avance, car je recevrai une visite qui sera
plus sure que l'avertissement du medecin ou les consolations du cure."
Maintenant que nous nous sommes vus, laissez-moi retourner pres de lui.
Revenez dans la journee autant de fois que vous voudrez; je vais donner
des ordres pour qu'on vous recoive et me previenne aussitot.
Elle tendit la main; je la gardai dans les miennes.
Alors, la regardant longuement et l'obligeant pour ainsi dire a relever
ses paupieres qu'elle tenait obstinement baissees, et a fixer ses yeux
sur les miens, je lui dis ce seul mot:
--Clotilde!
Mais elle detourna la tete, et retirant doucement sa main de dedans les
miennes, elle sortit du salon sans se retourner.
J'avais bien souvent pense a la mort de M. de Solignac. Mais ce qui
flotte indecis dans notre esprit ne ressemble en rien aux faits
materiels de la realite.
M. de Solignac allait mourir. Quel resultat cette mort aurait-elle sur
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