es et demie, et une fois encore je
crus que malgre mes efforts la nouvelle serait publiee; mais enfin il
arriva; on me le designa et il me fit le sacrifice de sa nouvelle. Tout
d'abord il me refusa, j'insistai, il ceda.
Je rentrai chez moi brise: je trouvai un mot de Clotilde: M. de Solignac
etait mort a cinq heures.
Cette fois je respirai pleinement.
LVI
M. de Solignac mort, je croyais que Clotilde serait la premiere a me
parler de l'avenir.
Cela pour moi resultait de nos deux positions: elle etait riche et
j'etais pauvre.
Sa fortune, il est vrai, n'etait pas ce qu'on avait cru, car les
affaires de M. de Solignac etaient fort embrouillees ou plus justement
fort compliquees; mais leur liquidation, si mauvaise qu'elle fut,
promettait encore un magnifique reliquat.
En tous cas cette fortune, alors meme qu'elle serait diminuee dans
des proportions improbables, serait toujours une grosse fortune en la
comparant a ce que je pouvais mettre a cote d'elle, puisque mon avoir se
reduit a rien.
Bien souvent, pensant a la mort de M. de Solignac et l'escomptant, si
j'ose me servir de ce mot, je m'etais dit que, pour ce moment, il me
fallait une fortune ou tout au moins une position pour l'offrir a
Clotilde.
Malheureusement, une fortune ne s'acquiert point ainsi a volonte, et par
cette seule raison qu'on en a besoin. Tous les jours, il y a des gens de
bonne foi naive qui se disent en se levant que decidement le moment est
arrive pour eux de faire fortune, et qui cependant se couchent le soir
sans avoir pu realiser cette idee judicieuse. Comment aurais-je fait
fortune, d'ailleurs? Avec mes dessins, c'est a peine s'ils m'ont donne
le necessaire; car s'il y a des dessinateurs qui gagnent de l'argent, ce
sont ceux qui joignent au talent un travail regulier, et ce n'est pas
la mon cas. Je n'ai pas de talent, et je n'ai jamais pu travailler
regulierement, ce qui s'appelle travailler du matin au soir.
La seule chose que j'aie pu faire avec regularite, avec emportement,
avec feu, c'a ete d'aimer.
Par la, par ce cote seulement, j'ai ete un artiste. En ce temps de
calme, de bourgeoisie et d'effacement, ou l'amour ne semble plus etre
qu'une affaire comme les autres dans laquelle chacun cherche son
interet, j'ai aime. Pendant huit ans, ma vie a tenu dans le sourire
d'une femme. Je me suis donne a elle tout entier, esprit, volonte,
conscience. Je n'ai eu qu'un but, elle, qu'un desir, elle, toujours
elle.
Durant c
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