on. Solignac
l'a compris, et il s'est mis a la tete de ce mouvement qui va prendre
un essor irresistible. Aujourd'hui, vous avez vu a sa table un prince
Mazzazoli, un baron Torlades, un comte Vanackere, un Partridge, et deux
ou trois autres personnages qui valent ceux-la. Et cette reunion de
convives ne vous a pas, j'en suis certain, inspire une bien grande
confiance. Vous vous etes dit que c'etaient la des aventuriers, des
intrigants, des fruits secs des gouvernements anterieurs.
--Je me suis trompe?
--Je ne dis pas cela; mais revenez diner ici dans un an, jour pour jour,
et, a la place de ces aventuriers cosmopolites, vous verrez les rois de
la finance qui ecouteront bouche ouverte les moindres mots de Solignac.
Qui aura fait ce miracle? L'experience. Aujourd'hui Solignac en est
reduit a se servir de gens qui, j'en conviens, ne meritent pas l'estime
des puritains; il debute et il n'a pas le droit d'etre bien exigeant.
Mais dans un an, tout le monde saura qu'il a fait attribuer des
concessions de chemin de fer, de mines, de travaux, a ces aventuriers,
et l'on comptera avec lui. Je vous assure que M. de Solignac est un
homme habile qui deviendra une puissance dans l'Etat. Rien que son
mariage prouve sa force. Pour la reussite de ses projets, il avait
besoin d'une femme jeune et belle qui lui permit d'avoir un salon et
surtout une salle a manger. A son age et dans sa position, cela etait
difficile. Cependant il a su en trouver une qui reunit toutes les
qualites exigees pour le role qu'il lui destinait: jeunesse, beaute,
naissance, seduction; n'est-ce pas votre avis?
Je fis un signe affirmatif.
--Eh bien, mon cher, servez-vous de Solignac, faites des affaires avec
lui, cela vaudra mieux que de faire des dessins. Vous avez un beau nom,
vous etes decore, vous exercerez un prestige sur l'actionnaire, et
Solignac sera heureux de vous avoir avec lui.
--Il vous l'a dit?
--Non, mais avec la connaissance que j'ai de lui, j'en suis certain;
dans deux ou trois ans, vous serez a la tete de la finance, et alors si
certaines circonstances se presentent, par exemple si vous voulez vous
marier, vous pourrez epouser la femme que vous voudrez. C'est un conseil
d'ami, un bon conseil.
L
Il est inutile de rapporter la reponse que je fis a Poirier; elle fut ce
qu'elle devait etre.
Mon nom, s'il avait une valeur, "un prestige sur l'actionnaire," comme
disait Poirier, devait m'empecher de faire des bassesses, il ne deva
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