tant, toute la journee, du matin au soir. Tout d'abord, j'avais eu un
autre projet. Faut-il vous le dire et ne vous en facherez-vous pas?
--Du projet peut-etre, mais en tout cas je suis bien certain que je
n'aurai qu'a vous remercier de l'intention.
--Puisque vous le voulez, je me confesse. Quand vous m'avez dit que vous
aviez ete force d'accepter ce travail de dessinateur, l'idee m'est venue
de vous proposer un autre genre de travail qui serait moins penible et
qui aurait le grand avantage de nous reunir. Pourquoi ne serait-il pas
le secretaire de M. de Solignac? me suis-je dit.
--Moi! vous avez pu penser?
--Laissez-moi vous dire ce que j'ai pense et dans l'ordre ou je l'ai
pense. D'abord, je n'ai songe qu'a une chose: notre reunion. Je vous
voyais tous les matins, je descendais dans le cabinet de M. de Solignac
pendant votre travail; je vous voyais dans la journee, je vous voyais le
soir. Peut-etre meme etait-il possible de vous organiser un appartement
dans le pavillon. Nous ne nous quittions plus.
--Et votre mari!
--Mon mari aurait ete tres sensible a l'honneur d'avoir pour secretaire
un homme comme vous; cela fait bien de dire: "Le comte de Saint-Neree,
mon secretaire." D'ailleurs, M. de Solignac n'est pas jaloux. Il a
pu autrefois vous paraitre genant par sa surveillance; mais alors
je n'etais pas sa femme et il avait peur que je devinsse la votre;
maintenant qu'il est mon mari, il ne s'inquiete plus de moi et ne me
demande qu'une chose: diriger sa maison comme il veut qu'elle aille
pour le bien de ses affaires; je suis pour lui une sorte de maitre de
ceremonies, et pourvu que chez lui on me trouve paree dans ce salon,
pourvu que dans le monde je fasse mon entree a son bras, il ne me
demande rien de plus. Ce n'est donc pas lui qui a arrete mon projet,
c'est vous. J'ai craint de vous blesser. Je me suis dit que votre fierte
ne pourrait pas se plier. J'ai cru que votre amour ne serait pas assez
grand pour me faire ce sacrifice, et alors je me suis rabattue sur cette
idee qui vous etonne.
--Ce qui m'etonne, c'est que vous n'ayez pas pense a ce qu'il y a
d'odieux et de honteux dans ce role que vous me destinez.
--Vous seul pouviez le rendre honteux; si vous m'aimiez comme je vous
aime et veux toujours vous aimer, si a votre amour vous ne meliez pas de
mauvaises esperances, ce role ne serait pas ce que vous dites.
--Pour ma dignite, je vous en supplie, Clotilde, ne m'obligez pas a des
relations suivi
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