i avaient inspire ce moyen.
Je fus heureux de cette reponse et m'en voulus presque d'avoir pu croire
Clotilde capable d'une pareille idee; incontestablement elle n'avait pu
naitre que dans l'esprit d'un homme comme Poirier, absolument debarrasse
de tous prejuges, qui, dans la vie, ne voit que des interets, et ne
s'inquiete plus depuis longtemps des moyens par lesquels on arrive a les
satisfaire.
La reflexion me confirma dans cette croyance. Aussi je fus bien surpris
le mercredi suivant lorsque Clotilde me demanda tout a coup si j'avais
pense aux conseils du colonel Poirier.
Afin d'etre seul avec elle, j'etais arrive de bonne heure pour lui faire
ma visite, et ce fut pour ainsi dire son premier mot.
Je la regardai un moment sans repondre tant j'etais etonne de sa
question.
--Ainsi, c'est vous qui avez eu cette idee? dis-je a la fin.
--Cela vous etonne?
--Je l'avoue.
--Vous croyez donc que je ne pense pas a vous et que je ne fais pas
sans cesse des projets auxquels je tache de me rattacher par un lien
quelconque. C'est la ce qui m'a inspire cette idee.
--De l'intention, je suis vivement touche, chere Clotilde, car elle est
une preuve de tendresse; mais l'idee?
--Eh bien, qu'a de mauvais cette idee? Elle vous blesse dans votre
fierte de gentilhomme? J'avoue que je n'avais pas pense a cela. Je
savais que vous ne pensiez pas comme ces hobereaux qui se croiraient
deshonores s'ils se servaient de leurs dix doigts ou de leur
intelligence pour faire oeuvre de travail. Vous travaillez; passez-moi
le mot: "Vous gagnez votre vie," qu'importe que ce soit en faisant
des dessins ou que ce soit en faisant des affaires; c'est toujours
travailler. Seulement les dessins vous obligent a travailler vous-meme
pour gagner peu, tandis que les affaires vous permettent de faire
travailler les autres pour gagner beaucoup, voila tout.
--Vous n'avez vu que cela dans votre idee?
--J'ai vu encore autre chose, et je suis surprise que vous ne le voyez
pas vous-meme. J'ai vu un moyen d'etre reunis sans avoir rien a craindre
de personne. Si vous etiez interesse dans les affaires de M. de
Solignac, vous seriez en relations quotidiennes avec lui. Au lieu de
venir ici une fois par hasard en visite ou pour diner, vous y viendriez
tous les jours, amene par de bonnes raisons qui defieraient les
insinuations et les calomnies. Je voudrais tant vous avoir sans cesse
pres de moi; je serais si heureuse de vous voir toujours, a chaque
ins
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