es avec M. de Solignac.
--Vous pensez a votre dignite, moi je ne pense qu'a mon amour, et vous
dites que vous m'aimez.
Notre discussion menacait de prendre une tournure dangereuse lorsqu'elle
fut interrompue par l'arrivee de M. de Solignac.
--Je suis heureux de vous voir, dit-il, apres les premieres politesses
et j'allais monter chez vous. Vous connaissez bien la province d'Oran,
n'est-ce pas?
--Je l'ai parcourue pendant cinq ans jour et nuit.
--Vous pouvez me rendre un grand service.
Alors il m'expliqua qu'il etait en train de fonder une affaire pour
construire des barrages sur les principales rivieres de la province:
Chelif, Mina, Habra, Sig, afin de fournir de l'eau aux irrigations, et
il me demanda tout ce que je savais sur le cours de ces rivieres, sur
les plaines et sur les villages qu'elles traversent. Puis, comme il
y avait des questions techniques sur le debit d'eau, l'altitude, le
sous-sol, que je ne pouvais pas resoudre, il me pria de t'ecrire.
--Quelques mots de l'officier de l'etat-major qui releve ces contrees,
me dit-il, me fortifieront aupres de nos ingenieurs.
Et sous sa dictee, pour ainsi dire, je t'ecrivis la lettre geographique
a laquelle tu as repondu, sans te douter bien certainement des
conditions dans lesquelles je me trouvais, en te questionnant ainsi
brusquement, sur un sujet que nous n'avons point l'habitude de traiter.
Ce ne fut pas tout; il me pria encore de lui ecrire une lettre dans
laquelle je consignerais tout ce que je savais sur cette question.
J'etais pris de telle sorte qu'il m'etait impossible de refuser; je
fis donc ma lettre en m'attachant surtout a m'enfermer dans une verite
rigoureuse, puis je ne pensai plus a cette affaire.
Mais hier je recus la visite de M. de Solignac; il m'apportait un long
rapport sur ces barrages et, dans ce rapport, se trouvaient ma lettre et
la tienne, "lettres emanant de deux officiers, disait une note, qui,
a des titres differents, ont toute autorite pour parler de cette
question."
Cela me fit faire une grimace qui s'accentua singulierement quand M. de
Solignac m'offrit un paquet d'actions liberees de sa compagnie.
Bien entendu, je ne les ai point acceptees. Mais le refus a ete dur et
la discussion difficile.
LI
Dans les anciens fabliaux, il y a un sujet qui revient souvent sous
la plume des trouveres, a savoir si un amant peut etre heureux en
respectant la purete de sa dame.
Je me rappelle avoir lu sur cette que
|