res rien
d'excessif, nous restons en presence sans nous connaitre.
Ces reflexions furent celles qui m'agiterent apres le depart de
Clotilde.
Qu'etait veritablement cette femme qui emportait ma vie, qu'etait sa
nature, qu'etait son ame?
Comment fallait-il l'etudier? Dans ses paroles ou dans ses actions? Par
ou fallait-il la juger? Ou etait le vrai, ou etait le faux? Y avait-il
en elle quelque chose qui fut faux et tout au contraire n'etait-il pas
sincere?
A ne considerer que sa visite, je devais croire qu'elle etait resolue au
dernier sacrifice et que la passion etait maitresse de son coeur et
de sa raison. Une femme ne vient pas chez un homme dont elle connait
l'amour, sans etre prete a toutes les consequences de cette demarche.
Elle etait venue parce qu'elle m'aimait et parce qu'elle n'avait pas pu
vaincre les sentiments qui l'entrainaient. Sa defense avait ete celle
d'une femme qui lutte jusqu'au bout et qui ne succombe que lorsqu'elle
a epuise tous les moyens de resistance. Si j'avais insiste, si j'avais
persiste, elle se serait rendue.
Donc j'avais eu tort d'ecouter sa priere et de la laisser partir.
Mais, d'un autre cote, si je cherchais a l'etudier d'apres ses paroles,
je ne trouvais plus la meme femme. Elle m'aimait, cela etait certain,
mais pas au point de sacrifier son honneur a son amour. Elle avait
regrette nos jours d'autrefois; elle avait voulu les renouveler, voila
tout. Si j'avais exige davantage, je n'aurais rien obtenu, et nous en
serions venus a une rupture absolue. Sure d'elle-meme, elle voulait
concilier son amour pour moi, avec ses devoirs envers son mari. Ce n'est
pas apres trois mois de mariage qu'une femme telle que Clotilde va
au-devant d'une faute et vient la chercher elle-meme.
Donc, j'avais eu raison de ne pas ceder a ma passion.
Mais je n'arrivais pas a une conclusion pour m'y tenir solidement, et je
passais de l'une a l'autre avec une mobilite vertigineuse. Oui, j'avais
eu raison. Non, j'avais eu tort; ou plutot j'avais eu tort et raison a
la fois.
C'etait alors que je regrettais de n'avoir pas la profondeur
d'observation des romanciers, et de n'etre pas comme eux habile
psychologue. J'aurais lu dans l'ame de Clotilde comme dans un livre
ouvert et j'aurais trouve le ressort qui imprimait l'impulsion a sa
conduite; l'amour ou la coquetterie, la franchise ou la duplicite.
Malheureusement ce livre ne s'ouvrait pas sous ma main malhabile, et
partout, en elle, en moi, auto
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