ide a y renoncer, c'etait apres une lutte douloureuse. Vos instances
et les considerations dont vous les appuyiez ont fait violence a ma
resolution. Vous m'avez montre ce qu'il y avait de bon dans cette
mission, et j'ai cesse de voir ce qu'il y avait de mauvais. N'attendant
qu'une occasion pour revenir sur une resolution qui me desesperait,
j'ai saisi celle que vous me presentiez. La est mon tort, colonel, ma
faiblesse et ma lachete.
--Voulez-vous dire que je vous ai conseille une lachete, monsieur?
--Non, colonel, car vous ne saviez pas ce qui se passait en moi et vous
agissiez en vue du bien general, tandis que moi j'ai agi en vue de mon
propre interet, miserablement, avec egoisme. Et j'en ai ete puni comme
je le meritais. Si j'avais persiste dans ma demission comme je le
devais, nous ne serions point dans la facheuse position ou nous nous
trouvons tous par ma faute, vous, colonel, le regiment et moi-meme.
Le colonel resta pendant assez longtemps sans repondre, arpentant son
cabinet en long et en large a grands pas, les bras croises, les sourcils
crispes. Enfin il s'arreta devant moi.
--Voyons, dit-il, etes-vous homme a faire tout ce que vous pouvez pour
que nous sortions au mieux, le regiment et moi, de cette position
facheuse?
--Tout, colonel, excepte cependant de reprendre ma demission.
--Je ne vous demande pas cela; je vous demande seulement d'attendre
quelques jours pour la donner; pendant ces quelques jours, vous garderez
votre chambre et vous recevrez tous les matins la visite du major.
Je fis au colonel la promesse qu'il me demandait et je rentrai chez moi.
Le dessein du colonel etait simple: il voulait me faire sortir du
regiment sans scandale; l'abandon de mon commandement, qui avait eu lieu
sans bruit, serait facilement explicable par la maladie, et la maladie
serait aussi la raison qui motiverait ma demission. Par ce moyen il se
mettait a l'abri de tous reproches et l'on ne pouvait pas l'accuser
d'avoir confie un commandement a un officier mal pensant: le regiment
aurait fait son devoir; s'il y avait distribution de recompenses, il
aurait droit a en reclamer sa part.
Il est vrai que cette combinaison me faisait jouer un singulier role;
mais je n'avais pas a me plaindre, puisque j'etais le coupable. Si je
n'avais pas eu la faiblesse d'accepter le commandement qu'on me donnait,
rien de tout cela ne serait arrive: le bucheron eut ete fusille par
l'ordre de Mazurier, au lieu de l'etre par le
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