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'impatience; je l'aimais, elle m'aimait, nous etions pleinement heureux. Au moins moi je l'etais, et chaque jour j'ajoutais une grace nouvelle, une perfection a la statue de marbre blanc que de mes propres mains j'avais creee dans mon coeur, m'inspirant plus peut-etre de l'ideal que de la realite, inventant et ne copiant pas. Mais qu'importe! la statue existait, la sainte, la madone. Un jour, ce fut precisement le contraire de ce que j'avais espere qui se realisa: Clotilde, au lieu de devenir ma femme, devint celle de M. de Solignac. Mais cette trahison, si lourde qu'elle fut dans son choc terrible, ne brisa point l'idole cependant: au lieu d'etre la statue de l'esperance elle fut celle du souvenir. Elle est restee dans mon coeur a la place qu'elle occupait. Maintenant vais-je porter la main sur elle et l'abattre de son piedestal? Sur le marbre chaste et nu de la jeune fille, vais-je mettre le peignoir lascif de la femme amoureuse? Si Clotilde cede maintenant a mon amour et au sien, ce ne sera point pour monter plus haut dans mon coeur, mais au contraire pour y descendre. Elle tuera la jeune fille et deviendra une femme comme les autres. Et c'est cette jeune fille que j'aime. Bien d'autres a ma place n'auraient pas sans doute ces scrupules; et comme le mariage n'a point defigure Clotilde, comme elle est toujours belle et seduisante, ils profiteraient de l'occasion qui se presente. C'est toujours la meme femme. Mais ceux-la aimeraient la femme et n'aimeraient pas leur amour. Or, c'est mon amour que j'aime; c'est ma jeunesse, c'est mes souvenirs, mes reves, mes esperances. Que me restera-t-il dans la vie, si je les souille de ma propre main? Madame de Solignac ne peut etre que ma maitresse, et c'est ma femme que j'adore dans Clotilde. Il est facile de comprendre que, me trouvant dans de pareilles dispositions morales, j'attendis douloureusement le mercredi. Irais-je chez Clotilde ou bien n'irais-je pas? Dans la meme heure, dans la meme minute, je disais oui et je disais non, ne sachant a quoi me resoudre, ne sachant surtout si j'aurais la force de m'en tenir a la resolution que je prendrais. Le plus souvent, quand j'etais seul, je me decidais a ne pas y aller. Mais quand je la voyais dans son jardin ou maintenant elle se promenait dix fois par jour les yeux leves vers mes fenetres, je me disais que je ne pourrais jamais resister a l'attraction toute-puissante qu'elle exercait sur ma volonte.
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