r, et je restai les yeux fixes sur le miroir qui me disait
ce qui se passait dans l'hotel Solignac. Mais rien ne se montra sur
la glace qui reflechissait seulement les allees vides et les fenetres
closes.
Bien evidemment Clotilde ne me pardonnerait jamais.
Comme je m'enfoncais dans ces tristes pensees, il me sembla entendre
le bruissement d'une robe a ma porte. Mes voisins recevaient a chaque
instant la visite de leurs modeles; je ne pretais pas grande attention
a ce bruit; une femme qui se trompait sans doute, car jamais une femme
n'etait venue chez moi, et je n'en attendais pas.
Mais on frappa deux petits coups. Sans me deranger, je repondis:
"Entrez." Et, levant les yeux, je vis la porte s'ouvrir.
C'etait, elle, Clotilde! c'etait Clotilde.
J'allai tomber a ses genoux, et, sans pouvoir dire un mot, je la serrai
longuement dans mes bras. Mais elle se degagea et me regardant avec un
doux sourire:
--Ce n'est pas madame de Solignac qui vient ici, dit-elle, c'est
Clotilde Martory; voulez-vous etre pour moi aujourd'hui ce que vous
etiez autrefois?
Je me relevai.
XLVI
J'etais si profondement emu que je ne pouvais parler; Clotilde, de son
cote, ne paraissait pas desireuse d'engager l'entretien.
Pendant assez longtemps nous restames ainsi en face l'un de l'autre ne
disant rien, nous observant avec un trouble qui, loin de se dissiper,
allait en augmentant.
Clotilde, la premiere, fit quelques pas en avant. Elle vint a ma table
de travail et regarda le dessin que j'avais esquisse. Puis elle examina
les gravures qui couvraient les murailles, et, tournant ainsi autour de
la piece, elle arriva a la fenetre qui ouvre sur son jardin.
--Je comprends, dit-elle en souriant, vous etes chez moi.
En revenant en arriere, ses yeux tomberent sur mon miroir dans lequel
elle vit se refleter ses fenetres.
Je suivais sur son visage l'impression que cette decouverte allait
amener; pendant quelques secondes, elle regarda curieusement la
disposition du miroir et les effets de vision qui se produisaient sur sa
glace, puis, se tournant vers moi, elle se mit a sourire.
--Cela est fort ingenieux, dit-elle, mais est-ce bien delicat?
--Je ne sais pas, je n'ai pas pense a la delicatesse du procede, ni a
sa convenance, ni a sa discretion, je n'ai pense qu'a une chose, a une
seule, vous voir. J'aurais ete libre, je n'aurais pas eu besoin de
ce moyen, je serais reste du matin au soir a ma fenetre, attendant
l'occasion d
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