elle le voulait sachant que je
l'aimais.
Que resulterait-il de cette reunion?
La conclusion n'etait pas difficile a tirer: ou elle resisterait a mon
amour et me rendrait effroyablement malheureux, ou elle cederait, et
alors je ferais de ma propre main des blessures a mon amour, qui, pour
etre autres, ne seraient pas moins douloureuses.
Je ne veux pas me faire plus puritain que je ne le suis, et laisser
croire que le precepte "Tu ne desireras pas la femme de ton prochain,"
tout-puissant sur moi, est capable de comprimer mes desirs ou de tuer
mon amour. J'avoue que les droits de M. de Solignac ne me sont pas du
tout sacres. C'est un mari comme les autres, et qui meme a contre lui
dans cette circonstance particuliere d'etre mon ennemi et non mon ami.
Ce n'est donc pas sa position officielle et la protection legale dont le
Code l'entoure, qui peut m'eloigner de Clotilde.
Mes raisons sont moins pures, au moins en ce qui touche la morale
sociale.
Quand j'ai rencontre Clotilde au bal de la famille Bedarrides et me suis
pris a l'aimer, je ne savais qui elle etait: femme ou jeune fille. Quand
je me suis inquiete de le savoir, si j'avais appris qu'elle etait mariee
et que M. de Solignac etait son mari, cela tres-probablement n'eut
pas tue mon amour naissant. J'aurais continue de l'aimer, malgre son
mariage, malgre son mari, et tres-probablement aussi j'aurais essaye de
me faire aimer d'elle; j'aurais cherche le moyen de penetrer dans sa
maison, je me serais fait l'ami de son mari, et le jour ou je serais
devenu l'amant de madame de Solignac, j'aurais ete l'homme le plus
heureux du monde. En se donnant a moi, Clotilde, au lieu de dechoir dans
mon coeur y eut monte, elle eut gagne toutes les qualites, toutes les
vertus de la femme passionnee qui cede a son amour et a son amant.
Mais ce n'est point ainsi que les choses se sont passees. Celle que je
me suis pris a aimer si passionnement n'etait point une femme, c'etait
une jeune fille, c'etait Clotilde Martory. Pas de faussetes a s'imposer,
pas d'hypocrisie de conduite, pas de mari a tromper. Tout au grand jour,
honnetement, franchement.
C'est ainsi que mon amour est ne, et en se developpant, il a garde le
caractere de purete qu'il tenait de sa naissance.
Celle que j'aimais serait un jour ma femme, et je me suis plu a la parer
de toutes les qualites qu'on reve chez celle qui sera la compagne de
notre vie et la mere de nos enfants.
Point de desirs mauvais, point d
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