une, dans son premier
croissant, eclairait de sa pale lumiere un ciel bleu crible d'etoiles,
le silence mysterieux de la montagne deserte n'etait trouble que par
le bruit de la mer qui m'arrivait faiblement suivant les caprices du
chemin.
J'allai frapper a la porte de la _Croix-Blanche_, et, apres une station
assez longue, la servante, endormie comme a l'ordinaire, vint m'ouvrir.
Je ne me rappelle pas avoir passe une meilleure nuit: mon sommeil fut un
long reve dans lequel Clotilde, me tenant par la main, me promena dans
une delicieuse feerie.
Le lendemain matin, j'eus peine a attendre le moment du dejeuner; mais,
rendu prudent par l'espoir meme de mon amour, je m'imposai le devoir de
ne pas faire d'imprudence et de n'arriver chez le general qu'a une heure
convenable. C'etait un sacrifice que je faisais a Clotilde; elle me
saurait gre de lui laisser toute sa liberte et trouverait bien moyen de
me recompenser de cette attente irritante.
Enfin l'heure sonna et au deuxieme coup je tirai la sonnette du general.
Mais en entrant dans le salon je m'arretai frappe au coeur; assis pres
du general mais tourne vers Clotilde, a laquelle il s'adressait, se
tenait M. de Solignac.
Comme je restais immobile, le general me tendit la main.
--Arrivez donc, cher ami, on vous attend avec impatience, d'abord pour
vous serrer la main et puis ensuite pour deux mots d'explication qui me
paraissent inutiles, mais qu'on croit necessaires.
--Cette explication, dit M. de Solignac en s'avancant de deux pas, c'est
moi qui tiens a vous la donner: Si, dans notre rencontre, j'ai montre
envers vous trop de vivacite, trop d'exigences, je vous en temoigne mes
vifs regrets. Nous etions dans des circonstances ou les paroles vont
souvent au dela de la volonte. Chacun de notre cote nous obeissions a
notre devoir, la est notre excuse.
Pendant que M. de Solignac m'adressait ce petit discours auquel j'etais
loin de m'attendre, Clotilde tenait ses yeux fixes sur les miens, et
l'expression de son regard n'etait pas douteuse, je devais tendre la
main a M. de Solignac, elle le voulait, elle le demandait.
--Les opinions ne doivent pas diviser les honnetes gens, dit le general,
il n'y a que l'honneur; mais l'honneur n'a rien a voir dans cette
affaire, ou vous avez fait, l'un et l'autre, ce que vous deviez.
Le regard de Clotilde devint plus pressant, suppliant, et litteralement
avec ses yeux elle prit ma main pour la mettre dans celle que M. de
Sol
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