la main.
Ebloui comme si j'avais ete frappe par un eclair, je ne compris pas ce
qu'il signifiait: elle m'avait vu, voila seulement ce qu'il y avait de
certain dans ce signe.
J'etais reste immobile au pied de l'acacia, regardant le coupe qui
s'eloignait. Il me sembla que le cocher ralentissait l'allure de ses
chevaux comme pour les arreter. Je ne me trompais point. La voiture
s'arreta, la portiere s'ouvrit et Clotilde etant descendue vivement se
dirigea vers moi.
Tout cela s'etait passe si vite que je n'en avais pas eu tres-bien
conscience. Mais en voyant Clotilde venir de mon cote, je reculai
instinctivement de deux pas et je pensai a me jeter dans le fourre:
j'avais peur d'un entretien; j'avais peur d'elle, surtout j'avais peur
de moi.
Mais je n'eus pas le temps de mettre a execution mon dessein; elle
s'etait avancee rapidement, et j'etais deja sous le charme de son
regard; a mon tour j'allai vers elle, irresistiblement attire.
--Vous n'etes plus en Espagne, dit-elle en marchant; et depuis quand
etes-vous a Paris?
--Depuis le mois de mars.
Nous nous etions rejoints: elle me tendit les deux mains en me
regardant, et pendant plusieurs minutes je restai devant elle sans
pouvoir prononcer une seule parole. Ce fut elle qui continua:
--Depuis le mois de mars, et vous n'etes pas venu me voir!
--Moi, chez vous, chez M. de Solignac?
--Non, mais chez madame de Solignac; vous avez donc oublie le passe?
--C'est parce que je me le rappelle trop cruellement qu'il m'est
impossible d'aller maintenant chez vous.
--Ce n'est pas de cela que je veux parler; ce que je vous demande, c'est
de vous rappeler ce que vous me disiez autrefois. Vous souvenez-vous
qu'a la suite de plusieurs difficultes, vous m'aviez manifeste la
crainte de ne pas pouvoir venir chez mon pere et que toujours je vous ai
assure que rien ne devait alterer notre amitie; ne voulez-vous pas venir
chez moi maintenant, quand autrefois vous paraissiez si desireux de
venir chez mon pere?
--Pouvez-vous comparer le present au passe!
--Pouvez-vous me faire un crime d'un sacrifice qui m'etait impose!
--Par qui? Votre pere souffre de ce mariage.
--Il en souffre, cela est vrai, mais il eut plus souffert encore s'il ne
s'etait pas fait; et d'ailleurs, quand j'ai consenti a devenir la femme
de M. de Solignac, je ne croyais pas que sa conduite envers mon pere
serait ce qu'elle a ete. Ils avaient ete amis; ils avaient longtemps
vecu ensemble, je croy
|