ur cela il n'en a pas moins ete tres-douloureux,
car il m'a fallu vendre bien des meubles qui pour moi etaient des
souvenirs.
J'ai commence par prendre tout ce que j'ai pu entasser dans les deux
petites chambres que j'occupe au cinquieme etage d'une maison de la rue
Blanche; mais l'appartement de mon pere etait assez grand, tandis que
le mien est des plus exigus. J'ai ete vite deborde, et alors j'ai du me
debarrasser de bien des objets qui m'etaient precieux. La place se paye
cher a Paris, et, dans ma situation, je ne peux pas me charger d'un
loyer lourd; les cinq cents francs que coute le mien me sont deja assez
difficiles a payer.
Cet emmenagement a occupe mes premieres semaines de sejour a Paris; et
comme je ne m'y suis point presse, il a dure assez longtemps. J'avais du
plaisir a revoir les gravures qui avaient appartenu a mon pere, et qui
me rappelaient le temps ou nous les feuilletions ensemble. J'avais
du bonheur a ranger ses livres, ou a chaque page je retrouvais ses
annotations et ses coups de crayon.
Et puis, faut-il le dire, cette occupation qui prenait mon temps me
permettait de ne point aborder franchement la grande difficulte de ma
vie.
--Quand j'aurai fini, me disais-je, nous verrons.
Enfin, le moment arriva ou je n'avais plus d'excuse pour ne pas voir, et
ou il fallut bien se decider a prendre un parti.
Ce que je voyais, c'etait que de l'heritage de mon pere, toutes charges
et dettes payees, il me restait un capital de quatre mille francs,
c'est-a-dire de quoi vivre pendant deux ans avec economie. Il fallait
donc qu'avant deux ans je fusse en etat de gagner quinze ou dix-huit
cents francs par an.
Comment et a quoi?
Un seul moyen se presentait: accepter une place de commis, si j'en
trouvais une. J'ecrivais assez proprement et je comptais assez vite
pour oser demander un emploi qui, pour etre rempli convenablement,
n'exigerait que la connaissance de la calligraphie et de l'arithmetique.
Le tout maintenant etait donc d'obtenir un emploi de ce genre.
Parmi mes anciens camarades avec lesquels j'avais continue des relations
d'amitie depuis le college se trouvait Paul Taupenot, le fils de Justin
Taupenot, le grand editeur. Paul etait maintenant l'associe de son pere;
il pourrait sans doute me trouver la place que je desirais, soit dans sa
maison, soit chez un de ses confreres. Je l'allai trouver.
En m'entendant parler d'une place de quinze cents francs, il poussa des
exclamations de sur
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