mes
erreurs; madame Bedarrides avait parle; Marius avait raconte ce qu'il
savait, et l'on etait arrive a cette conclusion: qu'il fallait, pour me
guerir, m'eloigner de Marseille. De la cette proposition de voyage, car
on ne prend pas pour arranger une affaire embrouillee un negociateur tel
que moi.
J'hesitai un moment, car, apres avoir voulu partir, j'avais presque peur
maintenant de m'eloigner; mais enfin j'acceptai, et, trois heures apres,
je m'embarquais sur le vapeur qui partait pour Barcelone.
Je croyais n'etre que quelques jours absent, une semaine au plus. Mais,
a Barcelone, je recus une lettre de M. Bedarrides qui m'envoyait a
Alicante, d'Alicante on m'envoya a Carthagene, de Carthagene a Malaga,
et de Malaga a Cadix. Quand je rentrai a Marseille, il y avait six
semaines que j'en etais parti.
Malheureusement, le voyage n'avait pas produit l'effet que les freres
Bedarrides esperaient; il avait occupe mon temps, il n'avait pas
distrait mon esprit. Pendant ces deux mois, je n'avais pas cesse une
minute de penser a Clotilde et de la voir.
Le seul soulagement que j'y avais gagne avait ete de ne pas savoir le
moment precis de son mariage et de n'etre pas ainsi tente de courir
a Cassis, pour la voir a l'eglise mettre sa main dans celle de ce
Solignac.
Pour etre juste, il faut dire que j'avais gagne autre chose encore: une
resolution, celle de quitter Marseille et d'aller a Paris.
Quand je fis part de cette resolution aux freres Bedarrides, ils
pousserent les hauts cris.
--Quitter Marseille! abandonner le commerce! j'etais donc fou: ils
etaient contents de moi; je me formais admirablement aux affaires;
je pouvais leur rendre de grands services, ils doubleraient mes
appointements a la fin de l'annee.
Ni les reproches, ni les propositions ne purent m'ebranler, et je leur
expliquai que les raisons qui m'avaient fait entrer dans le commerce
n'existant plus, je ne pouvais pas y rester.
Si bienveillant qu'on soit, il vient un moment ou l'on se fatigue de
s'occuper des gens qui refusent obstinement tout ce qu'on leur propose.
Ce fut ce qui arriva avec les freres Bedarrides: ils m'abandonnerent a
mon malheureux sort, desoles de mon entetement et regrettant de n'avoir
pas le droit de me faire soigner par un medecin alieniste.
Avant de partir, je voulus faire une visite d'adieu a Cassis: Clotilde
etait a Paris avec M. de Solignac; je ne serais pas expose a la
rencontrer et je verrais au moins son pere: nou
|