t a me servir, et a la lettre ils me traitaient comme si
j'avais ete leur fils.
--Nous aurions tant voulu faire quelque chose pour votre pere,
disaient-ils; c'est a lui que nous devons d'etre ce que nous sommes, et
nous aimons a payer nos dettes.
--Capital et interets.
--Et interets des interets.
Le dimanche qui avait suivi mon entree dans les bureaux, j'avais ete
invite a venir passer la journee a la villa, et si peu dispose que je
fusse a paraitre dans le monde, je n'avais pu refuser.
Comme tous les dimanches, il y avait grand diner, et a table on me placa
a cote d'une jeune fille de quatorze a quinze ans, que Marius me dit
etre sa cousine, c'est-a-dire la niece de MM. Bedarrides. Je ne fis
pas grande attention a cette jeune fille, que je traitai comme une
pensionnaire, ce qu'elle etait d'ailleurs, etant sortie de son couvent a
l'occasion des fetes de Noel.
Lorsqu'on fut sorti de table, madame Bedarrides m'appela dans un petit
salon, ou nous nous trouvames seuls.
--Que pensez-vous de votre voisine? me dit-elle.
--La grosse dame que j'avais a ma droite, ou la jeune fille qui etait a
gauche?
--La petite fille.
--Elle est charmante et je crois qu'elle sera tres-jolie dans deux ou
trois ans.
--N'est-ce pas? vous savez qu'elle est notre niece; elle sera
l'heritiere de mon beau-frere, avec Marius et ma fille; et une heritiere
qui meritera attention.
J'avais aborde cet entretien sans aucune defiance; mais ce mot m'eclaira
et me montra le but ou madame Bedarrides voulait me conduire: c'etait la
reprise de nos conversations d'autrefois.
--Je crois qu'il faudra se sentir appuye par quelques millions pour la
demander en mariage.
--Et pourquoi cela? Il ne faut pas croire que dans notre famille nous
sommes sensibles aux seuls avantages de la fortune; il en est d'autres
que nous savons reconnaitre et estimer. Ainsi, je ne vois pas pourquoi
elle ne deviendrait pas votre femme.
--Moi, madame?
--Pourquoi cet etonnement? C'est un projet que je caresse depuis
longtemps de vous marier. Je vous en ai parle lors de votre arrivee a
Marseille, et si je ne vous ai point fait connaitre Berthe a ce moment,
c'est qu'elle etait a son couvent, et qu'il n'y avait point urgence a
la faire venir. Vous avez alors repousse mon projet. Je le reprends
aujourd'hui.
--Mais aujourd'hui les temps ne sont plus ce qu'ils etaient alors.
--Sans doute; vous etiez officier et vous ne l'etes plus; vous aviez un
bel avenir
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