itie que vous venez de me
donner. Vous avez eu pour moi la generosite d'une mere.
--Je voudrais en etre une pour vous, mon cher enfant, et c'est ce
sentiment maternel qui m'a inspire mon idee.
--C'est ce sentiment maternel qui me penetre de gratitude, et c'est lui
qui me desole si profondement en ce moment.
--Je vous desole? et pourquoi donc?
--Parce que je ne puis accepter.
--Ma niece ne vous plait point? dit-elle, avec un accent fache.
--Croyez bien qu'il ne s'agit point de votre niece, qui est charmante,
ni de votre famille a laquelle je serais heureux d'etre uni par des
liens plus etroits que ceux de l'amitie et de la reconnaissance; mais je
ne suis pas libre.
--Vous aimez quelqu'un?
--Oui, une jeune fille qui, j'espere, sera ma femme un jour.
Madame Bedarrides baissa les yeux et pendant quelques minutes elle
garda le silence; elle etait blessee de ma reponse et evidemment elle
s'efforcait de ne pas laisser paraitre ce qui se passait en elle. Pour
moi, embarrasse, je ne trouvais rien a dire. A la fin elle se leva et
je la suivis pour rentrer dans le salon; mais pres de la porte elle
s'arreta:
--C'est quelqu'un de Marseille? dit-elle.
--Permettez-moi de ne pas repondre a cette question, seulement je vous
promets que le jour ou mon mariage sera decide, vous serez la premiere
personne a qui j'en parlerai.
--Je n'ai aucune curiosite, croyez-le.
--Arrivez donc, dit M. Bedarrides aine, lorsque nous entrames dans le
grand salon ou tout le monde etait reuni, j'allais aller vous deranger.
Puis s'adressant a sa femme:
--Voici M. Genson qui vient nous faire ses adieux avant d'aller occuper
sa prefecture: il a recu sa nomination il y a deux heures.
--Ah! vraiment, dit madame Bedarrides avec une surprise qu'elle ne sut
pas cacher.
A sa place j'aurais peut-etre ete moins maitre de moi qu'elle ne l'avait
ete elle-meme, car ce M. Genson qui venait de recevoir sa nomination
de prefet, etait cet ancien magistrat avec lequel j'avais voyage a mon
retour de Paris et qui voulait qu'on fit autour de Louis-Napoleon "la
greve des honnetes gens." Comme il avait preche "sa greve" dans tous les
salons de Marseille, pendant les deux ou trois jours qui avaient suivi
le coup d'Etat, on avait le droit d'etre etonne de cette nomination.
--Votre surprise, dit-il a madame Bedarrides, ne sera jamais plus grande
que n'a ete la mienne, lorsque j'ai appris ma nomination de prefet, et
mon premier mouvement a ete de
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