gendarme, voila tout.
Quant a moi, je me serais epargne les hesitations et les hontes de ces
quelques jours.
Je passai le temps de ma maladie en proie a des reflexions qui n'etaient
pas faites pour egayer mon emprisonnement, car je n'en avais pas fini
avec le tourment et l'incertitude.
Si j'avais tranche la question de la demission, il m'en restait deux
autres qui me pesaient sur le coeur d'un poids lourd et penible:
c'etaient celles qui touchaient a Clotilde et a ma position; et la
l'incertitude et l'angoisse me reprenaient.
Clotilde pouvait-elle devenir la femme d'un homme qui n'etait rien et
qui n'avait rien? C'etait folie de l'esperer, folie d'en avoir l'idee.
Si j'avais hesite a parler de mon amour au general, alors que je n'etais
que capitaine, pouvais-je le faire maintenant que je n'etais rien?
Quel pere donnerait sa fille a un homme qui n'avait pas de position, qui
n'avait pas un metier?
Car telle etait la triste verite: je n'avais meme pas aux mains un outil
pouvant me faire gagner cent sous par jour.
A quoi est bon dans la societe un homme que son education et sa
naissance rendent exigeant et qui pendant dix ans n'a appris qu'a
commander d'une voix claire: "Arme sur l'epaule, guide a droite;" et
autres manoeuvres fort utiles a la tete d'un regiment, mais tout a fait
superflues lorsqu'au lieu d'un poulet d'Inde on a une chaise entre les
jambes?
Cette question de position etait donc la premiere a examiner et a
resoudre; apres viendrait la question du mariage, si jamais elle pouvait
venir.
Jusqu'a ce moment je devais donc me contenter de ce que Clotilde
m'accordait et avoir la sagesse de me tenir dans le vague ou elle avait
la prudence de vouloir rester. C'etait deja beaucoup d'avoir le present,
et, dans mon abandon et ma tristesse, de pouvoir m'appuyer sur son
amour.
J'examinai donc cette question de la position sous toutes ses faces, et,
apres l'avoir bien tournee, retournee, je m'arretai a la seule idee qui
me parut praticable: c'etait de demander une place dans les bureaux des
freres Bedarrides.
Aussitot que l'affaire de ma demission fut terminee,--et elle le fut
conformement aux desirs du colonel,--j'allai frapper a la porte du
bureau de MM. Bedarrides.
On me croyait toujours a Paris, on fut surpris de me voir, mais on le
fut bien plus encore quand j'eus explique l'objet de ma visite.
--Votre demission! s'ecrierent les deux freres en levant les bras au
ciel, vous avez donne v
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