--Pardaillan! repeta Fausta dans un souffle.
--En chair et os, madame, n'en doutez pas. Tenez, je vais vous dire.
Dans l'abbaye de Montmartre, le jour ou vous avez crucifie la pauvre
petite Violetta, je vous ai vue si courageuse au milieu des traitres, si
orgueilleuse devant la mort, que, sans doute, ce jour-la, je vous aurais
pardonne tout le reste, et, par la meme occasion, j'eusse pardonne a
Guise. Mais vous m'avez oblige a faire un deuxieme voyage dans la nasse.
Cela n'etait pas de jeu, madame. J'ai compris que vous etiez une force
inhumaine, et qu'il fallait vous ecraser. Eh bien, je vous ecrase, un
mot y suffit: Guise est mort, madame, mort quelques heures avant d'etre
roi et de vous couronner reine. Et c'est moi qui l'ai tue...
Fausta, alors, parla, d'une voix basse et penible, comme si les mots
eussent eu de la peine a sortir.
Elle dit a peu pres ceci:
--Puisque vous vivez, vous, il n'est pas etonnant que je sois ecrasee,
moi, et que, du haut de la plus etincelante destinee entrevue, je sois
precipitee dans un abime de honte et de douleur...
Elle s'arreta, grelottante; une flamme de folie passa dans ses yeux.
Mon malheur est complet, reprit-elle. J'etais tout. Je ne suis plus
rien. Que faites-vous ici? Dehors! J'ai voulu vous tuer quand j'ai cru
que vous etiez un homme. Vous etes un laquais qui, par-derriere et dans
l'ombre, a frappe un maitre, et je vous chasse. Dehors! Allez demander a
Valois le prix de votre assassinat!
Elle parlait d'une voix rauque et si precipitee qu'a peine elle etait
intelligible. Son bras tendu vers la porte tremblait. Pardaillan avait
baisse la tete, pensif.
Soudain, en la relevant, il vit Fausta qui marchait sur lui, le poignard
a la main. Il la laissa s'approcher. Et, au moment ou elle levait
le bras, il n'eut qu'un geste: il saisit le poignet de Fausta et le
maintint rudement dans ses doigts.
--Que faites-vous? dit-il. Allons, madame, on ne me tue pas ainsi, moi!
Car mon heure n'est pas venue. Tenez, je vous lache: osez me frapper!
Il la lacha et se croisa les bras. Fausta le regarda. Elle le vit si
calme, si etincelant de bravoure, vraiment plus fort que la mort, et
avec une telle pitie dans les yeux, qu'elle laissa tomber son arme; elle
recula et eclata en sanglots.
Madame, dit Pardaillan, avec une grande douceur, la scene de la
cathedrale de Chartres est vivante dans mon esprit: vos levres ont
touche mes levres, et c'est pour cela que je suis ici. Laiss
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