c'etait la cage de l'escalier, la fournaise,
le palais qui flambait, les torrents de fumee noire et rouge, les
crepitements les tumultes de l'effroyable bataille du feu, les
grondements de tonnerre des pans de murs qui s'abattaient... la fin, la
destruction de ce qui avait ete le Palais Riant!...
Pardaillan posa les pieds sur une large corniche qui regnait le long des
fenetres a l'exterieur. Il respirait a pleins poumons.
Adosse au mur brulant, la face tournee vers le vide, il avancait de
cote... il allait... il s'ecartait du foyer central... de plus en
plus, le sang-froid lui revenait... il ne regardait pas le vide, il ne
regardait rien. Brusquement, il atteignit le tournant de la corniche,
et, ayant jete les yeux un instant a ses pieds, il vit qu'il dominait le
Tibre...
--Je suis sauve, murmura-t-il.
Il etait sauve, en effet!... Cette partie du Palais Riant n'etait pas
encore atteinte par les flammes; a la premiere fenetre qu'il rencontra,
Pardaillan fit sauter les vitraux, sauta dans un escalier qu'il
descendit en quelques bonds et se trouva dans une vaste salle dallee
dont la porte du fond donnait sur le Tibre...
Il se jeta a la nage... Dix minutes plus tard, il abordait a une sorte
de petit quai, et, un quart d'heure apres, il rentrait a l'hostellerie
du Franc-Parisien: tout le monde avait ete voir l'incendie. Pardaillan
put se glisser jusqu'a sa chambre, sans etre vu...
Il se mit au lit et, presque aussitot, s'endormit d'un sommeil de plomb.
Pardaillan fut reveille par l'hote en personne. Le chevalier l'envoya
lui procurer un pourpoint, une rapiere, un chapeau et lui demanda
sa note. Le Parisien s'acquitta des commissions et revint avec une
cargaison dans laquelle Pardaillan put faire son choix, tout en
expliquant qu'il avait, dans la nuit, perdu ces objets de necessite en
se defendant contre une troupe de malandrins.
--Monsieur n'a pas vu le feu? demanda l'hote, qui assistait au grand
lever du chevalier.
--Non, dit Pardaillan, mais voici les dix ecus et trois livres que
porte votre note. Et, maintenant, voici un noble d'or pour que vous me
racontiez l'incendie, car vous contez a merveille.
L'hote se lanca dans un pittoresque recit que Pardaillan ecouta tres
attentivement.
--Mais figurez-vous, mon gentilhomme, dit-il en terminant, figurez-vous
que ce palais qu'on croyait desert depuis Lucrece Borgia, etait
habite... et, qui plus est, habite par une femme... une femme, monsieur,
sur laquel
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