'ordre dont il etait le
fondateur, appuyant sa main sur une poignee d'epee toute constellee de
diamants, et les epaules couvertes d'un court manteau de soie cerise.
Derriere lui, sur quinze ou vingt rangs de profondeur, ses courtisans et
ses officiers, revetus de leurs habits de ceremonie, lui formaient un
cadre d'une splendeur etrange. En arriere de cette masse de costumes
chatoyants, a gauche et a droite, un double rang de hallebardiers en
costume de cour, majestueux et imposants, fermaient trois cotes
d'un grand carre dont un seul etait ouvert. Enfin, derriere les
hallebardiers, trois regiments en tenue de campagne: au fond, les
arquebusiers; a droite et a gauche, les pertuisaniers. Au milieu de
cette enorme mise en scene que contemplait la foule, Henri III, seul
dans un espace vide, attendait immobile.
Le Bearnais s'avanca, suivi de son escorte de trois hommes poussiereux
de la route qu'ils venaient de faire. D'un geste, il arreta ses trois
compagnons, et s'avanca seul.
Un silence de plomb s'abattit sur toute cette cour et sur le peuple
attentif, lorsque le Bearnais s'arreta a trois pas de Henri III,
tout seul, avec son vieux pourpoint use, son chapeau gris orne d'une
medaille, ses bottes aux semelles eculees, aux eperons rouilles.
Brusquement, le Bearnais ouvrit ses bras. Henri de Valois, la poitrine
oppressee, fit trois pas rapides et s'y jeta en murmurant:
--Mon frere! Ah! mon frere!... je suis bien malheureux!...
A ce spectacle, un fremissement prolonge parcourut les rangs de la cour
et des soldats, gagna le peuple, s'accentua comme le bruit des feuilles
quand vient le coup de vent, monta, gonfla et, soudain, tandis que
toutes les tetes se decouvraient, eclata une immense acclamation: "Vive
le Roi!..." Et alors, a ce cri qu'il n'avait pas entendu depuis bien
longtemps, Henri III se mit a pleurer.
--Eh! ventre-saint-gris! fit joyeusement le roi de Navarre, prenez
courage, mon frere! Avec l'aide de mes montagnards, je vous ramenerai
dans Paris, jusque dans votre Louvre.
L'alliance etait consommee; cette alliance devait conduire le Bearnais
sur le trone et instaurer la dynastie des Bourbons.
Trois jours plus tard, les deux armees combinees marchaient ensemble,
repoussaient a Tours les troupes de Mayenne, marchaient sur Paris, et
etablissaient leurs quartiers depuis Saint-Cloud jusqu'a Vaugirard.
Paris, terrifie de ces succes foudroyants, allait succomber...
XLIV
JACQUES CLEMENT
Pardaill
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