se roulait a ses pieds et se lamentait de joie, et Huguette, la bonne
hotesse, apparaissait, souriante, les bras nus, l'accueillait en bonne
hotesse en lui disant:
--Ah! monsieur le chevalier, c'est donc vous?... Vite, Margot, une bonne
omelette pour M. le chevalier qui doit avoir faim; vite, Gillette, a la
cave, car M. le chevalier doit avoir soif...
Et Huguette s'avancait, les mains tendues, vers Pardaillan, qui
l'embrassa sur les deux joues.
--Voyons, chere amie, dit alors le chevalier, je n'ai pas faim et je ne
mangerai pas votre omelette; je n'ai pas soif et je ne boirai pas votre
vin; mais je suis affame, assoiffe de curiosite, expliquez-moi donc...
--Tout ce que vous voudrez, fit Huguette en souriant.
Et, tout a coup, elle rougit, puis elle palit, son sourire devint triste
et inquiet; et ce fut d'une voix plus tremblante qu'elle ajouta;
--Voyons, que voulez-vous savoir?
--Vous avez donc ferme la Deviniere?
--Mon Dieu, oui, monseigneur... J'ai acquis une honnete aisance, et j'ai
pense... cette idee-la m'est venue un soir, au coin du feu, en regardant
Pipeau... j'ai pense que je ne voulais, plus etre l'hotesse dont le
logis est ouvert a tout venant. Mais, si la Deviniere n'existe plus pour
personne au monde, j'ai voulu qu'elle existat toujours et que toujours,
moi vivante, elle fut le bon gite pour quelqu'un qui m'a promis de venir
s'y reposer... Monsieur le chevalier, ajouta-t-elle en relevant la tete
et en fixant sur lui ses beaux yeux humides de larmes, la Deviniere
n'est plus l'auberge de la rue Saint-Denis, elle est la bonne auberge
reservee a vous seul, elle est... le logis de Pardaillan...
Que voulez-vous, lecteur? Cette fidelite, cette constance d'une si jolie
naivete, cette touchante delicatesse, cette idee adorable de fermer
l'auberge et d'en faire tout de meme une auberge reservee a lui seul...
et puis l'hotesse etait charmante... et puis Pipeau le sollicitait
de ses jappements plaintifs et joyeux... et puis ce coin lui faisait
revivre au coeur toute la poesie de sa jeunesse... bref, mon cher
lecteur, Pardaillan ouvrit ses bras. Huguette s'y jeta toute tremblante
et pleura longtemps.
Un mois plus tard eut lieu le mariage d'Huguette, la bonne hotesse, avec
le chevalier de Pardaillan. Et Huguette fut glorieuse, et heureuse, et
fiere et extasiee d'avoir un tel mari, c'est ce qu'il est a peine besoin
d'affirmer. Quant a Pardaillan, il fut assez genereux pour se montrer
plus heureux enc
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