ore que Huguette. Il avait accroche sa rapiere dans sa
chambre, et ce n'est que lorsqu'il etait seul qu'un soupir lui echappait
parfois, et alors il s'interrogeait, il etait bien force de s'avouer que
ce bonheur paisible ennuyait un peu le chevalier errant, l'aventurier,
le chercheur d'inconnu qu'il n'avait cesse d'etre...
Au mois de decembre suivant. Pipeau mourut d'ans et de felicite. Il
mourut des suites d'une indigestion, ayant un soir devore une dinde
que, fidele a ses vieux instincts de maraudeur, il avait volee dans un
placard...
La pauvre Huguette ne devait pas jouir longtemps du bonheur qu'elle
s'etait cree par sa gentillesse et sa gracieuse constance. A peu pres
a l'epoque ou mourut Pipeau, elle gagna un refroidissement et declina
rapidement. Pardaillan s'installa a son chevet et soigna la bonne
hotesse, non pas meme comme un bon mari ou un bon frere, mais comme un
amant passionne.
Si bien qu'Huguette eut une agonie merveilleuse de bonheur. Malgre tout,
elle avait jusque-la doute de l'amour du chevalier. En le voyant si
desespere, si empresse aux mille soins de sa maladie, toujours la,
toujours s'ingeniant a la consoler, a la faire rire, a lui prouver
qu'elle vivrait et serait heureuse, elle ne douta plus et, des lors,
elle fut en effet parfaitement heureuse.
--Ah! cher ami, murmurait-elle parfois, que ne puis-je mourir cent fois
pour avoir cent agonies pareilles!...
Elle mourut pourtant, la bonne hotesse!... Elle mourut, souriante, le
visage extasie de bonheur et d'amour, elle mourut dans un baiser que
son cher, son grand ami, comme elle disait, imprima sur sa bouche, a
l'instant supreme.
Le chevalier ferma pieusement ces yeux qui tant de fois lui avaient
souri. Il pleura pendant des jours et des jours. Un mois apres la mort
d'Huguette, Pardaillan ouvrit le testament qu'avait laisse la bonne
hotesse.
--Je laisse mes biens, meubles et immeubles, a mon bien cher epoux le
chevalier de Pardaillan...
C'est par ces mots que commencait le testament. Suivait remuneration
desdits biens, meubles et immeubles, dont le total faisait la somme
ronde de deux cent vingt mille livres.
Pardaillan parcourut alors ce qui avait ete l'auberge de la Deviniere
et assembla quelques menus souvenirs, notamment un petit portrait
d'Huguette, qu'il fit enfermer dans un medaillon d'or. Puis, il se
rendit chez le premier tabellion, lui montra le testament et lui declara
qu'a son tour il faisait don desdits biens, meuble
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