t ce qu'ils n'avaient pas apercu d'abord, le poignard
enfonce dans le ventre du roi qui, d'une voix eteinte, murmura:
--Ah! le mechant moine!... il m'a tue!...
Dans le meme moment, Jacques Clement tomba, assomme par un coup de masse
que lui porta un garde: un autre lui dechargea son pistolet a bout
portant dans l'oreille, trois ou quatre, autres le larderent de coups
d'epee; en une minute, ce corps ne fut plus qu'une plaie affreuse, et,
tout pantelant encore, fut traine dehors, livre a la foule enorme qui
accourait, dechiquete, demembre, reduit en bouillie.
Cependant, des courriers partaient dans toutes les directions; une heure
plus tard, le roi de Navarre arrivait, ventre a terre, et sautait d'un
bond dans la chambre ou Henri III, etendu sur un lit de camp, etait
evanoui, tandis que deux chirurgiens pansaient la blessure...
Alors, un morne silence tomba sur le camp...
Ce ne fut que dans la soiree que Henri III reprit connaissance. Il
declara courageusement a tous ceux qui l'entouraient que ce n'etait
rien, qu'il avait la vie dure et qu'il en reviendrait. Puis, il ordonna
qu'on le laissat seul avec le roi de Navarre et qu'on lui apportat de
quoi ecrire.
--Sire, dit Henri d'une voix ferme...
--Mon frere! interrompit le Bearnais en pleurant.
--Sire!... ecoutez-moi. Je vais mourir. J'ai une heure de vie environ.
C'est suffisant pour rediger l'acte qui vous designe pour mon unique
successeur au trone de France!...
Et, saisissant la plume, il ajouta avec un sourire:
--Le roi va mourir... vive le roi!...
XLV
LA BONNE HOTESSE
Pardaillan, comme nous l'avons dit, etait entre dans Paris, et, grace a
la medaille que lui avait remise Jacques Clement, avait pu circuler. Il
put parvenir jusqu'aux Deux-morts-qui-parlent, un cabaret qu'il avait
autrefois frequente, lorsqu'il etait tenu par la digne Catho. C'etait
une auberge de bas etage et tres mal famee. Ribaudes et coupe-jarrets,
telle etait sa clientele.
Il demeura deux jours enferme la, riant et plaisantant avec les hotes
peu recommandables de l'endroit, et reflechissant parfois a ce qu'il
allait devenir.
Au fond, Pardaillan se sentait sollicite par deux resolutions qui ne
le satisfaisaient ni l'une ni l'autre; la premiere, c'etait d'accepter
l'hospitalite qui lui avait ete offerte a Orleans par Charles
d'Angouleme et sa mere; la deuxieme, c'etait, comme il l'avait promis
a Huguette, et comme il y songeait lui-meme, d'aller se reposer a la
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