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Navarre, qui se mit a crier:
--Agrippa!... Hola!... Aubigne!...
L'officier qui escortait le roi au moment ou Pardaillan les avait
rencontres apparut dans la tente.
--Agrippa, dit le Bearnais, fais-moi donc envoyer, s'il te plait, une
bonne bouteille de saumurois, afin que j'aie le plaisir de choquer mon
verre contre celui de Monsieur que voici, et qui est un ami a moi, un
ami de Madame ma mere...
L'officier jeta un regard d'etonnement sur Pardaillan et sortit.
Bientot, un soldat entra, deposa sur la table une bouteille et deux
verres, puis disparut. Le Bearnais saisit lui-meme la bouteille et,
remplit les deux verres.
--Que pensez-vous, monsieur? demanda le roi.
--Que, si Votre Majeste est coutumiere de cette simplicite royale, votre
fortune est assuree, sire.
--Il serait temps que je fisse fortune, ventre-saint-gris! A votre
sante, monsieur!
--A la votre, sire! dit Pardaillan.
--Fameux! dit le roi en claquant la langue, mais nous avons mieux aux
environs de Nerac.
--J'en doute, sire, dit Pardaillan avec flegme; les vins de votre Midi
sont jaunes, epais, et de lourde fumee au cerveau; ce petit Saumur tout
petillant et mousseux est une merveille... le vrai vin de France, sire!
--Ah! oui... un vin francais! fit le Bearnais avec un sourire. Un vin
qui ne sera jamais a moi!
--Il ne tient qu'a vous, sire!
--Et comment?... Voyons, vous etes un hardi compere, a tel point
que vous pouvez vous vanter d'avoir etonne le Bearnais. Parlez donc
franchement. Si loin qu'aille votre franchise, ajouta-t-il, l'ombre
de Jeanne d'Albret vous couvrirait. Ainsi donc, quelle est cette
proposition?
--Sire, dit Pardaillan, je vous apporte la couronne de France et le
droit d'attacher a vos domaines les vignobles de Saumur qui sont bien
superieurs a ceux de Nerac.
XLIII
DEUX DYNASTIES EN PRESENCE
--Expliquez-vous, monsieur, dit le Bearnais lorsqu'il fut un peu revenu
de la stupeur que les derniers mots de Pardaillan lui avaient causee.
--Sire, dit Pardaillan, l'explication sera courte. Vous avez une
armee assez forte par le nombre et par l'enthousiasme de vos soldats.
Surement, ces officiers et ces soldats deguenilles sont capables de se
faire tuer jusqu'au dernier a cause de votre panache blanc. Mais ils ne
sont pas capables de vous conquerir le royaume de France, ou, l'ayant
conquis, de vous le garder.
--Pourquoi, monsieur?...
--Parce qu'une armee telle que la votre peut detruire une armee,
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