ontre vous, une haine mortelle. Et, en effet, apres
avoir longtemps tourne autour du pot, il a fini par sortir de sa
ceinture cinq ecus d'or et m'a charge, sinon de vous tuer, du moins de
vous blesser, de facon que vous soyez retenu une bonne quinzaine ici...
Pardaillan demeura silencieux quelques minutes. Discuter avec cette
brute lui parut oeuvre-inutile.
--Monseigneur, reprit timidement l'aubergiste, je pense que vous avez
confiance dans ce que je vous ai dit?... Je vous vois reflechir... et...
--Et tu crois que je me demande si je ne dois pas achever de
t'etrangler? Eh bien, rassure-toi, je te donne vie sauve, a condition
que tu me dises par ou il est parti.
--Ma foi, s'ecria l'aubergiste, vaille que vaille, je vous dirai la
verite. Car j'ai plus de sympathie pour vous que pour ce gentilhomme.
--Merci. Pourquoi?
--Parce que vous etes l'homme le plus fort que j'ai jamais vu. Eh bien,
il m'a charge de vous dire, au cas ou vous me rosseriez au lieu de vous
laisser tuer... qu'il file sur Tours par le grand chemin qui passe a ma
porte.
--Tandis qu'au contraire?
--Il a repris le sentier qui rejoint la route de Beaugency...
--Y a-t-il, a Beaugency, un pont sur la Loire?
--Il y a le bac, monseigneur.
--C'est bien. Prepare-moi un lit, si c'est possible. Et, demain matin,
tu me reveilleras a l'aube.
L'aubergiste s'inclina et sortit. Dix minutes plus tard, il vint
annoncer a Pardaillan que son lit etait pret. Le chevalier suivit
l'homme et penetra dans une chambre qu'il fut etonne de trouver assez
propre.
L'aubergiste montra a Pardaillan qu'il y avait un fort verrou a la
porte.
--Pourquoi faire? dit Pardaillan. Comment peux-tu me reveiller si je ne
laisse pas la porte ouverte?...
L'aubergiste se retira, ebahi.
Pardaillan connaissait les hommes, et il avait eu le temps d'etudier
l'aubergiste. Car, bien qu'il eut laisse sa porte ouverte, non seulement
cet homme ne fit aucune tentative contre lui, mais encore il monta la
garde toute la nuit, de crainte que ses deux acolytes n'essayassent
d'entrer. Pardaillan dormit donc tranquillement, sous la garde de
l'homme que Maurevert avait paye pour l'assassiner. Vers sept heures
du matin, il se remit en route, non sans avoir sonde une derniere fois
l'aubergiste:
--Mais enfin, lui dit-il en le quittant, pourquoi, pour un peu d'argent,
as-tu voulu tuer un homme qui ne t'a jamais fait aucun mal?
--Que voulez-vous, monseigneur, fit l'aubergiste, on ne
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