evastation.
--Ce sont la de pauvres raisons qu'un esprit politique tel que le votre
doit tenir en pietre estime. Ce sont pourtant mes raisons. J'en ai
d'autres. Et, si je passe du general au simple, si j'envisage le fait
d'armes que vous me proposez, j'ai horreur de preparer un guet-apens
contre un vieillard qui ne gene en rien ma vie et ma liberte. Sa
querelle avec vous ne me regarde pas. Lorsque j'ai eu a me venger
de Guise, je l'ai guette, je l'ai attendu, et je lui ai dit:
"Defends-toi..." Et Guise, madame, comme Maurevert, savait tenir une
epee. Mais Sixte! Pourquoi, de quel droit, pour quelle injure, pour quel
attentat contre moi lui voudrais-je du mal? Il me reste deux choses a
ajouter: c'est que je partirai heureux si je sais que nous nous separons
amis; et ensuite, c'est que, si ma franchise me vaut votre haine. Je ne
serai jamais, moi, votre ennemi, resolu que je suis a oublier, et la
nasse de fer, et les hommes de Guise lances a mes trousses, et tout le
reste, pour me souvenir seulement du pont de Blois.
Pardaillan s'arreta et respira, soulage; la sueur perlait a son front.
Fausta avait ecoute Pardaillan les yeux fermes. Pas un fremissement
n'avait agite le marbre de ce front pur, demeure aussi serein que si
elle eut entendu quelque flatterie de courtisan et de poete. Seulement,
lorsque Pardaillan eut fini de parler, elle ouvrit les yeux, et, d'un
geste nonchalant, frappa sur un timbre. Myrthis apparut aussitot.
--Fais ce que je t'ai ordonne, dit Fausta.
Pardaillan remarqua que Myrthis palissait, et que ses levres s'agitaient
comme pour une reponse: un regard, foudroyant de Fausta arreta cette
reponse, prete a sortir. Myrthis jeta un coup d'oeil etrange sur le
chevalier, puis elle s'eloigna.
Pardaillan assura son epee, sa dague, et se tint pret a tout evenement.
Une pensee rapide comme l'eclair venait d'illuminer son cerveau, et il
se disait que Fausta venait de donner l'ordre de le tuer; sans aucun
doute, il allait voir entrer une douzaine de spadassins charges de le
depecher...
Fausta, l'oreille aux aguets, parut ecouter un bruit lointain.
--Madame, dit Pardaillan d'une voix assuree, mais basse et menacante,
quel est cet ordre que doit executer votre servante?
Fausta, en ce moment, cessait d'ecouter. Elle tourna vers le chevalier
un visage qu'il ne reconnut pas...
Tout ce que la passion dechainee dans le coeur d'une femme peut avoir de
splendide et d'affolant, de radieux et de terrible,
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