daillan demeura une heure, cette lettre a la main, dans le coin
d'ecurie ou cela se passait, absorbe dans une profonde reverie. Le
garcon d'auberge qui vint le chercher pour lui dire que son diner etait
a point le vit immobile, la tete penchee sur la poitrine, et des larmes
aux yeux.
XL
LE PALAIS RIANT
Pardaillan arriva a Florence a la fin d'avril, ce qui prouve qu'il
prit le chemin des ecoliers--le plus long, mais aussi le plus amusant.
Voyager, c'etait pour lui une joie: se rendre d'un point a un autre
n'etait que le cote subalterne du voyage...
Le lendemain de son arrivee, il se rendit au palais que lui avait
indique Fausta. Il trouva a la porte d'entree une sorte de suisse qui
lui demanda s'il etait bien l'illustre seigneur de Pardaillan. Le
chevalier repondit qu'il avait en effet l'honneur d'etre le sire de
Pardaillan, bien qu'il ignorat qu'il fut illustre. Ce a quoi le brave
gardien du palais ne repliqua rien; mais, allant. a un meuble qu'il
ouvrit, il sortit d'un tiroir une missive cachetee, que le chevalier
ouvrit seance tenante. Elle ne contenait que ces quatre mots:
"Rome. Palais Riant.--Fausta."
Fausta l'attendait donc a Rome!
"Que diable suis-je donc venu faire en Italie? grommelait-il le
lendemain en chevauchant le long d'une jolie route embaumee par les
premieres fleurs et inondee par les rayons du soleil de mai. Eh!... qui
m'empeche de tourner bride et de reprendre le chemin d'Orleans ou je
serais si bien l'hiver, les pieds au feu, l'automne a chasser le cerf,
et l'ete a ecrire mes memoires a l'ombre des grands tilleuls?"
Pardaillan se mit a rire a l'idee d'ecrire ses memoires. Il devait
pourtant les ecrire, pour le plus grand plaisir des lecteurs qui
auraient la pensee de les feuilleter, et pour la plus grande joie de
l'auteur de ce recit, qui devait y trouver de precieuses pages.
Pardaillan fit son entree dans Rome par une magnifique soiree du 14 mai
de l'an 1589. Il prit gite a l'auberge du Franc-Parisien, mots qui,
ecrits en francais sur l'enseigne, lui parurent de bon augure. L'hote,
en effet, etait Francais et demi, c'est-a-dire Parisien de la rue
Montmartre; il etait etabli depuis quinze ans a Rome, ou il faisait
tout doucement fortune en faisant manger aux Romains de la cuisine
parisienne, et aux Francais qui tombaient chez lui de la cuisine
romaine, ce qui, pretendait-il, devait infailliblement amener, tot ou
tard, une alliance entre les peuples de Paris a Rome.
Le chev
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