iers plans d'une masse
d'arbres depouilles de leur feuillage et dont les branches nues se
tordaient dans le ciel triste, comme des bras eplores. C'etait la foret
de Marchenoir, qu'il lui fallait traverser d'un bout a l'autre.
Il y avait vingt minutes qu'il etait entre sous bois. La foret de hetres
et d'ormes s'animait, autour de lui, d'une vie fantastique. Les bouleaux
fuyaient derriere lui, pareils a des fantomes blancs. En avant! Le
cheval bondissait, fendait l'air et devorait l'espace.
Soudain, Pardaillan frissonna des pieds a la tete et devint pale comme
un mort: a une faible distance devant lui, derriere un tournant du bois,
il entendit un hennissement... Deux minutes plus tard, il apercut
le cavalier qui courait devant lui, et un sourire terrible, feroce,
effrayant, tordit ses levres... Ce cavalier, c'etait Maurevert!...
Maurevert galopait sans tourner la tete. Il se savait poursuivi. Il
savait qu'il allait mourir!... Il galopait, ou plutot se laissait
entrainer par son cheval qu'il ne frappait meme plus...
Son visage, d'une paleur de cadavre, avait parfois d'effrayantes
contractions... et, parfois aussi, il lui semblait que son coeur
s'arretait de battre, puis, brusquement, ce coeur se mettait a frapper
des coups terribles dans sa poitrine et bondissait, affole, eperdu...
Depuis seize ans, Maurevert avait peur... peur de Pardaillan! Non pas
peur de la mort, mais peur de la mort que lui donnerait Pardaillan; non
pas peur de se battre, mais peur de se battre avec Pardaillan.
Tout a coup, son cheval, qu'il ne soutenait plus, buta et tomba.
Maurevert ne se fit pas de mal en tombant. Il put se relever.
Il n'avait plus aucune idee, aucune pensee. Ses levres blanches
tremblaient convulsivement. Il vit Pardaillan, a trente pas de lui, qui
mettait pied a terre.
Cette vue ranima en lui une etincelle d'energie; il se baissa vivement,
tira un pistolet des fontes de sa selle, mit un genou a terre et visa
Pardaillan. Le chevalier marcha sur lui, tout droit, d'un bon pas, et,
quand il fut a dix pas, il dit:
--Tire, mais tu vas me manquer...
Maurevert le regarda une seconde. Pardaillan lui apparut dans une sorte
de nuage flamboyant ou il ne distinguait que l'eclair des deux yeux et
l'effrayante menace du sourire. Il fit feu... Et il vit qu'il avait
manque Pardaillan!...
Un arbre se trouva derriere lui. Il s'appuya au tronc, et demeura
immobile, ses yeux exorbites fixes sur Pardaillan.
--Lors de notre re
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