Crillon, installe sous le porche en cas d'alerte bourgeoise, l'apercut
et vint a lui.
--Vous partez?...
--Je pars! dit Pardaillan. Je m'ennuie, la grande route me distraira.
--Restez! Le roi vous donnera un regiment a commander.
--Bah! j'ai deja bien du mal a me commander moi-meme...
--Adieu, donc! Ou allez-vous?...
--Tiens! Au fait! fit Pardaillan. Ou vais-je?...
Il ota son chapeau et l'eleva en l'air au bout de son bras.
--Connaissez-vous la rose des vents? dit-il. Faites-moi l'amitie de me
dire de quel cote le vent pousse la plume de mon chapeau.
--Ah! ah! dit le brave Crillon, les yeux ecarquilles de surprise.
--Eh bien?...
--Eh bien, donc, voici... Voyons, de ce cote, Paris... par la,
Orleans... par la, Tours... et de ce cote-ci... monsieur de Pardaillan,
la plume de votre chapeau va vers l'Italie.
--L'Italie? fit Pardaillan avec un rire etrange. Eh bien, pourquoi pas?
Va pour l'Italie!
Et Pardaillan, ayant remis son chapeau sur sa tete, serra les mains du
brave capitaine, sauta legerement en selle et s'eloigna en sifflant une
fanfare du temps du roi Charles IX.
XXXIX
LES FRAIS DE ROUTE DE PARDAILLAN
Pardaillan avait quitte Blois au moment ou Henri III s'en approchait,
revenant d'Amboise.
Le chevalier partait avec une sorte de joie d'allegement, sans remords.
Il venait de regler deux vieux comptes de haine qui, pendant seize
ans, avaient pese sur sa vie: le duc de Guise tue en combat loyal, et
Maurevert mort dans la foret de Marchenoir.
Il se retrouvait. Il renaissait. Il respirait a pleins poumons la
joyeuse ivresse de s'en aller libre, independant de tout et de tous, au
seul gre de sa fantaisie.
Excitant donc parfois son cheval d'un appel de langue, il suivait la
route qui, de Blois, allait a Beaugency, Meung et Orleans, par la rive
droite de la Loire. Arrive a Orleans, Pardaillan se dirigea tout droit
sur l'hotel d'Angouleme, et ce fut avec un battement de coeur qu'il
approcha de la maison amie, ou il allait revoir ce petit duc auquel il
s'etait si bien attache, cette Violetta qu'il avait arrache a la mort,
et cette poetique Marie Touchet, a laquelle il rattachait le charme de
ses souvenirs de jeunesse.
C'etait une maison de briques rouges a encadrement de pierre blanche,
avec des balcons de fer forge, aux courbes gracieuses.
Pardaillan mit pied a terre dans la cour; sur un signe que fit un suisse
majestueux deux laquais s'elancerent pour s'emparer de son cheva
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