moi? Je suis morte... Un mot? Non! Pas meme: un
geste. Si je dois vivre, tendez-moi la main...
Le visage de Pardaillan se fit plus ferme, plus glacial.
Cette pensee foudroyante venait de traverser son cerveau:
"Elle ment! Ce n'est pas sa mort qu'elle veut! C'est la mienne..."
Il resta immobile... Fausta poussa un soupir atroce. Elle leva vers
le ciel noir et charge de neige ses yeux profonds. Et, au fond de ses
paupieres, Pardaillan vit scintiller deux larmes, diamants purs qui se
volatiliserent au feu de ses joues enfievrees...
En meme temps, Fausta rassembla les renes de son cheval. Puis,
brusquement, elle frappa la bete d'un coup d'eperon furieux, en le
maintenant tete au parapet du pont. Elle lacha les renes. Le cheval se
cabra, hennit de douleur, et, dans le meme instant, franchit le parapet,
sauta, tomba dans le vide... Dans la seconde qui suivit, Fausta disparut
dans les tourbillons de la Loire...
--Fausta! hurla Pardaillan.
Et, ce nom qu'il prononcait pour la premiere fois, ce nom retentit en
lui-meme comme un coup de tonnerre qui suit l'eclair. Or, a la lueur de
cet eclair qui incendiait sa pensee, Pardaillan lut dans son esprit ce
sentiment qui l'accabla de stupeur et d'epouvante:
"Je ne veux pas qu'elle meure!"
Dans le meme moment, il sauta par-dessus le parapet, dans le vide...
dans la Loire!... Pardaillan alla d'abord au fond de l'eau. Mais il
garda la conscience precise de tous ses faits et gestes.
L'eau grondait a ses oreilles. Il etait aveugle. Ses vetements le
genaient. Mais, d'un vigoureux coup de talon, il remonta a la surface;
un remous le prit alors, et, pendant quelques instants, il disparut
encore sous les eaux grises,.. puis sa tete se montra, il jeta un
rapide regard devant lui, et vit le cheval de Fausta qui, nageant
vigoureusement, essayait de se diriger vers le bord...
Mais elle! oh! elle!... il ne la vit pas. Et, de cette meme voix
d'angoisse qui l'avait epouvante, il cria eperdument:
--Fausta!...
Tout a coup, il la vit!... Elle se laissait entrainer. On ne voyait en
elle aucun de ces gestes instinctifs qu'ont tous ceux qui se noient,
meme quand ils ont voulu fortement la mort. Peut-etre etait-elle morte
deja...
Pardaillan se mit a nager vers elle, dans une telle ruee, dans une si
violente volonte de la rejoindre, qu'il semblait fendre les eaux. Au
moment ou Fausta allait s'abimer tout a fait sous les flots, il la
saisit par un bras...
Quelques minutes plus
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