tard, il prenait pied sur un rivage bas et
sablonneux, non loin de l'endroit ou le cheval de Fausta venait lui-meme
de regagner le bord et se secouait. Fausta n'etait pas evanouie. Elle
venait d'ouvrir les yeux et considerait Pardaillan avec une mortelle
expression de desespoir et de reproche.
--Pourquoi? De quel droit m'avez-vous empechee de mourir?...
demanda-t-elle.
--Appuyez-vous sur mon bras, dit Pardaillan avec une grande douceur,
avec une voix que Fausta ne lui connaissait pas. Appuyez-vous sur mon
bras, et je vous conduirai jusqu'a cette cabane de mariniers... nous
nous secherons.
Ce fut tout. Fausta se mit a pleurer. Elle mit son bras sur le bras de
Pardaillan et s'appuya sur lui comme il avait dit. Ils tremblaient tous
les deux. En marchant, ou plutot en se laissant trainer, elle pleurait,
et il lui semblait que c'etait toute sa vie passee qui s'en allait avec
ses larmes. Parfois, elle levait les yeux sur Pardaillan... non plus
ses yeux de diamants noirs, mais des yeux ou il y avait comme une
timidite...
Deux ou trois fois, ils se sourirent... Et, lorsqu'elle fut convaincue,
lorsqu'elle eut compris qu'un grand bouleversement s'etait fait dans
l'ame de Pardaillan, Fausta, tout a coup, eclata en sanglots, murmura:
"Seigneur!..." et s'evanouit...
Alors Pardaillan prit dans ses bras ce corps de vierge aux formes si
pures... la tete de Fausta retomba sur son epaule et, fermant les yeux
avec un long frissonnement, il approcha ses levres de son front...
Alors, il marcha a la cabane qu'il avait apercue, deposa Fausta devant
le foyer, offrit une piece d'or aux habitants de la masure, et les pria
de faire un grand feu qui bientot flamba...
Une heure plus tard, Fausta et Pardaillan, completement seches, etaient
assis devant la haute flamme claire du foyer.
--Il faut que vous partiez, dit Pardaillan. Les gens de Blois pourraient
avoir envie de vous poursuivre.
--Ou irais-je?
--Ne pourriez-vous m'attendre? fit Pardaillan. J'ai diverses affaires a
regler en France.
--Je puis vous attendre en Italie, dit Fausta. Rome est un sejour
dangereux pour moi, a cause de Sixte qui ne pardonne pas. Mais j'ai
un palais a Florence. Le palais Borgia. Je vous attendrai la, si vous
voulez.
--A Florence, palais Borgia, bien! dit Pardaillan. Mais cette route
est longue... ne craignez-vous pas... Ah! fit-il tout a coup. Et de
l'argent?...
Elle sourit.
--J'ai de l'argent a Orleans, dit-elle; j'en ai a Lyon; j'en
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