tristesse, un large
silence pesant sur toutes choses.
Catherine de Medicis et le roi--deux fantomes--se parlent. Ils se
parlent a voix basse et lente.
--C'est le jour, dit Catherine, le grand jour... Le jour de votre
delivrance, mon fils. Ce soir, a dix heures, comme une bande de loups
rues dans les tenebres, les gens de Guise doivent se precipiter sur ce
chateau dont ils ont les clefs. Ce soir, a dix heures, on egorgera tout
ce qui tentera de s'opposer a la marche des assassins... on enfoncera la
porte de cette chambre... on poignardera le roi dans son lit... Si la
mere du roi ne veillait!... Mais elle veille!...
Elle eclate de rire... d'un rire silencieux et fantastique sur cette
figure livide de spectre.
--Henri, reprend-elle, es-tu pret, mon fils?...
--Oui, ma mere! repond le roi, d'une voix tragique.
Pale et chancelant, Henri III se leve. Sa mere le prend dans ses bras
et, longuement, frenetiquement, d'une sauvage etreinte ou eclate la
seule passion sincere de sa vie, elle le serre sur sa poitrine.
--Tu ne bougeras pas d'ici, murmura Catherine. Tu entends?
--Oui, ma mere, balbutie Henri III.
--Il suffit que, d'un mot, tu donnes l'ordre supreme a ces gentilshommes
qui attendent la... le reste me regarde!...
Alors, elle desserre son etreinte. Lentement, elle va ouvrir la porte.
Les trente qui attendent dans l'antichambre fremissent. Le roi s'avance
jusqu'a la porte et dit:
--Messieurs, je vous commande d'obeir a la reine mere dans tout ce
qu'elle vous dira...
Puis, il recule jusqu'a la fenetre de sa chambre en frissonnant, souleve
les rideaux et se met a regarder dans la cour carree, les yeux fixes sur
le porche du chateau. Catherine de Medicis passe en revue, d'un regard
rapide, les gentilshommes de l'antichambre. Elle en touche un a la
poitrine, puis un autre... elle en touche dix. Et, a ces dix, elle dit:
--Votre poste est dans la chambre du roi. L'epee et la dague a la main,
messieurs!
Les dix obeissent.
--Dans la chambre, continua Catherine, barricadez-vous. Quoi que vous
entendiez, ne bougez pas. Et, s'il arrive un malheur, mourez jusqu'au
dernier avant qu'on ne touche au roi. Jurez!...
--Nous jurons! repondent les dix d'une voix sourde.
Les dix penetrent dans la chambre royale, l'epee et la dague a la main.
Un instant plus tard, on les entend qui, a l'interieur, barricadent la
porte. Catherine pousse un profond soupir. Alors, Catherine recommence
son inspection. Elle touc
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