urait en continuant de crier: "A
mort! a mort!" Des femmes et des enfants montraient le poing au vieux
bucheron qui, sans s'emouvoir de tout ce tapage, les regardait avec
placidite.
Je le fis entrer dans la salle de la mairie pour l'interroger et je
fis entrer aussi les gens qui l'avaient arrete, car il me paraissait
impossible que l'exasperation de la foule n'eut pas un motif plus
serieux. On nous pressait tellement que je fus oblige de placer des
sentinelles a la porte la sabre en main.
Je me fis d'abord raconter ce qui s'etait passe par les temoins ou les
acteurs de l'arrestation, et l'on me raconta ce qu'on m'avait deja dit:
ce vieux bonhomme, au lieu d'entrer dans le village, avait pris par les
champs, on l'avait vu courir et se cacher derriere les oliviers quand il
se croyait apercu; on s'etait mis a sa poursuite: on l'avait atteint,
arrete, et l'on avait trouve ce sabre qu'il cachait sous sa blouse.
--C'est vrai ce qu'on raconte la? dis-je au bucheron.
--Oui.
--D'ou etes-vous?
--De Salernes.
--Ou allez-vous?
--Je vas a Aups, rejoindre ceux qui veulent defendre la Republique.
A cet aveu sincere, il y eut parmi les temoins un mouvement
d'indignation.
--C'est mon droit, pour sur.
--Si vous croyez etre dans votre droit, pourquoi vous etes-vous cache
et sauve? pourquoi, au lieu de traverser ce village, avez-vous pris les
champs?
--Parce que ceux d'ici ne sont pas dans les memes idees que ceux
de Salernes, et qu'on s'en veut de pays a pays. S'ils m'avaient vu
traverser leur rue, comme ils avaient des cavaliers avec eux qui leur
donnaient du coeur, ils m'auraient arrete, et je voulais rejoindre les
amis.
--Cela n'est pas vrai, dit un temoin en interrompant, les gens de
Salernes sont partis depuis hier, et si celui-la etait de Salernes, il
serait parti avec eux; il n'aurait pas attendu aujourd'hui: c'est un
incendiaire qui venait pour nous bruler.
Sans se facher, le bucheron haussa les epaules, et se tourna vers moi
apres avoir regarde son accusateur avec mepris.
--Si je ne suis pas parti hier avec les autres, dit-il, c'est que
j'etais dans la montagne a travailler. Quand on a appris la revolution
de Paris chez nous, tout le monde a ete heureux; on a cru que c'etait
pour etablir veritablement la Republique, la vraie, celle de tout le
monde, et comme a Salernes il n'y a que des republicains, on a ete
heureux, on a danse une farandole. Le lendemain matin je suis parti
pour la montagne o
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