re qu'ils etaient passes par l'ouest, un quatrieme est certain
qu'ils n'ont ete ni au nord, ni au sud, ni a l'ouest, attendu qu'ils
n'ont pas paru dans le pays.
Ce fut ce qui m'arriva lorsque je me mis a la poursuite de la bande qui
avait emmene comme otage le proprietaire du chateau dans lequel nous
avions passe la nuit, et jamais, en si peu de temps, on n'a pu, je
crois, recueillir plus de renseignements contradictoires; dans un
village, c'etait l'exces de zele qui nous trompait, dans un autre,
c'etait la malveillance qui nous egarait; de maison en maison, les
indications variaient comme les opinions et les sentiments: ici, nous
etions des bourreaux, la des sauveurs.
Cependant, au milieu de cette confusion, se detachaient deux faits
principaux; nous etions sur le point de joindre les bandes qui s'etaient
reunies et cherchaient une bonne position pour resister; les autres
troupes envoyees entre elles commencaient a approcher: la lutte devenait
donc a chaque pas de plus en plus menacante; un hasard pouvait l'engager
d'un moment a l'autre.
Ce qu'il y avait de particulierement grave pour moi dans cette
situation, c'etait l'esprit de mes hommes qui, depuis Marseille, avait
completement change: en entrant dans le Var, j'etais sur que les sabres
ne sortiraient pas du fourreau sans mon ordre; maintenant des indices
certains me prouvaient qu'on n'attendrait pas cet ordre pour agir, et
que peut-etre meme on ne m'ecouterait pas. A la fievre de la poursuite,
toujours entrainante pour les esprits les plus calmes et les plus
pacifiques, s'etaient jointes les excitations passionnees des
populations au milieu desquelles nous nous trouvions: "Tuez-les, sabrez
tout, pas de prisonniers;" et tous ces mauvais conseils de gens qui,
apres avoir perdu la tete dans la peur, perdent la raison lorsqu'ils
sont rassures.
Quand nous paraissions dans une ville ou dans un village, la partie de
la population hostile a l'insurrection, qui s'etait prudemment condamnee
au calme ou cachee dans ses caves, reprenait courage, ou s'armait, ou se
formait en compagnie de gardes nationaux pour marcher derriere nous, et
l'esprit qui animait ces volontaires de la derniere heure n'etait point
la moderation et la justice; on etait d'autant plus exalte qu'on
avait ete plus timide; on voulait se venger de sa peur. Mes hommes
naturellement subissaient le contre-coup de cette exaltation; on les
attirait, on les entrainait, on les faisait boire, et je ne les ava
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