nfants, deux fils de
vingt-trois a vingt-cinq ans, nous accueillirent comme des liberateurs;
il n'eut pas ete tard, je me serais mis immediatement a la poursuite
de cette bande, mais la nuit etait tombee depuis longtemps deja, nos
chevaux etaient morts de fatigue, et nous ne pouvions nous engager a
l'aventure dans ce pays accidente. Ce fut ce que je tachai de faire
comprendre a cette malheureuse famille, et je lui promis de partir le
lendemain matin aussitot que possible.
Je donnai les ordres en consequence, et le lendemain, avant le jour, je
fus pret a monter a cheval. En arrivant dans la cour du chateau, je
fus surpris d'apercevoir cinq chevaux de selle aupres des notres. Je
demandais a un domestique a qui ils etaient destines, lorsque je vis
paraitre les deux fils suivis de trois autres jeunes gens. Tous les
cinq etaient armes. Ils portaient un fusil a deux coups suspendu en
bandouliere et a la ceinture un couteau de chasse.
--Monsieur le capitaine, me dit l'aine des fils, nous vous demandons la
permission de vous accompagner et de vous servir de guides. Quand nous
rencontrerons l'ennemi, vous verrez que mes amis, mon frere et moi
nous sommes dignes de marcher avec vos soldats. Nous ne serons pas les
derniers a la charge.
Je restai pendant quelques secondes cruellement embarrasse; la demande
de ces jeunes gens avait par malheur de puissantes raisons a faire
valoir: c'etait a la delivrance de leur pere qu'ils voulaient marcher;
c'etait leur pere qu'ils voulaient venger.
Ce fut precisement ce cote personnel de la question qui me fit refuser
leur concours: ils mettraient une ardeur trop vive dans la poursuite,
une haine trop legitime dans la lutte, et ils pourraient entrainer mes
soldats a des represailles que je voudrais eviter.
Je repoussai donc leur demande; il me fallut discuter, disputer presque,
mais je tins bon.
--Je ne veux que l'un de vous, messieurs, dis-je en montant a cheval, et
encore celui qui viendra doit-il laisser ses armes ici; c'est un guide
que j'accepte, et non un soldat.
A quelques propos de mes hommes que je saisis par bribes, je vis qu'ils
ne me comprenaient point et qu'ils me blamaient.
XXXV
Tous ceux qui ont fait campagne savent combien il est difficile de
rejoindre une troupe ennemie, lorsqu'on n'a pour se diriger que les
renseignements qu'on peut obtenir des paysans; celui-ci a vu qu'ils
allaient au nord, celui-la a vu qu'ils allaient au sud, un troisieme a
entendu di
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