ne nous avait pas arretes dans les gorges de
Saint-Zacharie, ou la resistance etait si facile, c'est qu'on ne voulait
pas ou qu'on ne pouvait pas resister.
A mesure que nous avancames, je me confirmai dans cette esperance; nulle
part nous ne trouvions de resistance; on nous disait, il est vrai, que
les hommes valides se retiraient devant nous dans les montagnes au dela
de Brignoles, mais il fallait faire la part de l'exageration dans ces
renseignements qui nous etaient apportes par des trembleurs ou par
des adversaires que la passion politique entrainait: Brignoles etait
barricade, dix mille insurges occupaient la ville, les maisons etaient
crenelees, le pont etait mine, enfin tout ce que l'imagination affolee
par la terreur peut inventer.
En realite, il n'y eut pas plus de resistance dans cette ville qu'il n'y
en avait eu dans les villages qui s'etaient deja rencontres sur notre
chemin: pas la plus petite barricade, pas la moindre maison crenelee,
pas un insurge arme d'un fusil.
Cependant tous ces bruits reposaient sur un certain fondement: ainsi,
on avait voulu se defendre; on avait propose de barricader la ville, on
avait parle de miner le pont; mais rien de tout cela ne s'etait realise,
et, a notre approche, ceux qui avaient voulu resister s'etaient retires
du cote de Draguignan.
Cette perpetuelle retraite des insurges, rassurante pour le moment,
etait inquietante pour un avenir prochain: tous ces hommes qui
reculaient devant nous, a mesure que nous avancions, finiraient par
s'arreter lorsqu'ils se trouveraient en force, et alors un choc se
produirait.
Ce qui donnait a cette situation une gravite imminente, c'etait la
position des troupes qui operaient contre les insurges. Mon petit
detachement n'etait pas seul a les poursuivre: au nord, ils etaient
menaces par le colonel de Sercey, qui avait sous ses ordres de
l'infanterie et de l'artillerie; au sud, ils l'etaient par une forte
colonne partie de Toulon. Qu'arriverait-il lorsqu'ils seraient
enveloppes? Mettraient-ils bas les armes? Soutiendraient-ils la lutte?
Ainsi ce qui avait ete tout d'abord pour moi un motif d'esperance
devenait maintenant un danger, car ce n'etait plus de desarmer
successivement quelques villages isoles qu'il s'agissait, c'etait d'une
rencontre, d'une bataille.
Les nouvelles qui nous parvenaient de l'insurrection nous la
representaient comme formidable; elle occupait presque tout le pays qui
s'etend de la chaine des Maures a l
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