t-etre, mais quand les officiers le veulent, ils peuvent retenir
leurs hommes, et je compte sur vous.
Mazurier me fit toutes les protestations que je pouvais desirer. Dans la
bouche d'un autre, elles m'eussent convaincu; dans la sienne, elles
ne pouvaient me rassurer. J'etais presque certain que mes hommes me
comprendraient et m'obeiraient; depuis six ans, nous avions vecu de la
meme vie, nous avions partage les memes privations, les memes fatigues,
les memes dangers, et j'avais sur eux quelque chose de plus que
l'autorite d'un chef. Mais ce quelque chose n'avait de valeur que si
j'etais soutenu par tous ceux qui m'entouraient, et un mot de Mazurier
dit a propos pouvait tres-bien briser mon influence; une plaisanterie,
un geste meme suffisaient pour cela. Ce fut une inquietude nouvelle qui
s'ajouta a toutes celles qui me tourmentaient deja.
C'etait aux confins des Bouches-du-Rhone et du Var que nous devions
trouver l'insurrection, et l'on m'avait signale Saint-Zacharie comme le
premier village dangereux.
En approchant de ce village, bati dans les gorges de l'Huveaune,
au milieu d'une contree boisee et accidentee ou tout est obstacles
naturels, je craignis une resistance serieuse, qui eut singulierement
compromis l'attitude que je voulais garder. Cinquante paysans resolus
embusques dans les bois et dans les rochers pouvaient nous arreter en
nous faisant le plus grand mal. Comment alors retenir mes hommes et les
empecher de sabrer s'ils voyaient leurs camarades frappes aupres d'eux?
Pour prevenir ce danger, je m'avancai seul avec un trompette, le sabre
au fourreau, decide a essayer sur les paysans la conciliation que
j'avais vu les representants tenter a Paris sur les soldats; les moyens
et les roles etaient renverses, mais le but etait le meme, empecher le
sang de couler.
Mais je n'eus point de harangue a adresser aux paysans: en apprenant le
passage des troupes, le village, qui s'etait insurge depuis trois ou
quatre jours, s'etait immediatement calme; les hommes resolus s'etaient
replies sur Brignoles, ou ils avaient du rejoindre le gros de
l'insurrection, les autres avaient mis bas les armes et, sur le pas de
leurs portes, ils nous regardaient tranquillement defiler. On ne nous
faisait pas cortege, mais on ne nous adressait ni injures, ni mauvais
regards.
Ce premier resultat me donna bonne esperance, et je commencai a croire
qu'un simple deploiement de forces suffirait pour retablir partout
le calme. Si on
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