ne peut subsister par elle-meme; seules les substances
existent par elles-memes, seules elles persevereraient apres la
destruction du reste; elles _subsistent_ en un mot; elles sont
_substances_, comme qui dirait _subsistances_. Naturellement elles sont
anterieures aux choses qui _assistent_, et non subsistent. Dieu, le
principe de l'etre, ne saurait donc etre au nombre des choses qui ne
sont pas substances. Mais la dialectique enseigne que le propre de
la substance est d'etre, en restant une et la meme, susceptible d'un
certain nombre de contraires, Comment cette propriete serait-elle
compatible avec la nature de Dieu, aveu une nature invariable, qui
n'admet ni formes, ni accidents? La conclusion, c'est qu'il ne faut
point assimiler _la majeste supreme_ aux natures des choses distribuees
entre les dix categories, et que les regles et les enseignements de la
philosophie ne montent point jusqu'a cette ineffable sublimite. Les
philosophes doivent se contenter de s'enquerir des natures creees.
Encore ne peuvent-ils suffire a les comprendre et a les discuter
rationnellement. Si nous jugeons difficilement des choses qui sont sur
la terre, a la portee de notre vue, quel travail nous faudrait-il pour
atteindre a celles qui sont dans les cieux? qui les y poursuivra? Tout
le langage humain est concu pour les creatures; cette partie d'oraison
la plus essentielle de toutes, le verbe, suppose le temps, qui
commenca avec le monde. Ainsi, elle ne peut s'appliquer qu'aux choses
temporelles. Lorsque nous disons que Dieu est anterieur au monde, ou
qu'il existe avant les temps, que signifient ces paroles, prises dans un
sens humain, et comment dire que Dieu a existe dans le temps passe avant
que le temps n'existat? Appliquees a la nature unique de la divinite,
nos locutions doivent donc se prendre dans un sens singulier. Dieu, qui
surpasse tout, peut bien surpasser le langage des nommes. L'excellence
de Dieu est au-dessus de l'intelligence; or, c'est pour l'intelligence
que les langues ont ete faites. Comment s'etonner qu'etant au-dessus
de la cause, il soit au-dessus de l'effet? Comment s'etonner qu'il
transgresse par sa nature les regles et les exemples des philosophes,
lui qui souvent les casse par ses oeuvres? car les miracles ne se
conforment pas a la physique d'Aristote[224]. "Quoi donc? celui qui, au
temoignage de Job, ou plutot au temoignage du Seigneur, est le seul
qui proprement soit, serait demontre n'etre absolument rien, selo
|