rite. C'est un merite de remaniement. Il remet d'anciennes notions
en rapport avec l'etat nouveau des questions et des esprits. Sur la
liberte, du reste, il avait ete devance. Deja et presque de son
temps, saint Anselme avait expose une doctrine chretienne du libre
arbitre[268]. Abelard, moins net peut-etre et moins affirmatif,
discute plus regulierement, et fait habilement servir la dialectique a
l'exposition des verites metaphysiques et morales. Ainsi nous l'avions
vu entraine par la logique a des questions sur la nature de l'homme et
l'ordre du monde; et ici la theodicee le ramene a la logique, qui vient
en aide a sa foi troublee. C'est, au reste, la une singularite et une
valeur de la scolastique, et c'est ce qui justifie l'opinion souvent
exprimee que les scolastiques, soit en metaphysique, soit en theologie,
n'ont eu veritablement en propre que l'invention d'une methode, ou
l'application de la logique a toute la philosophie.
[Note 268: _Dialogus de libero arbitrio, S. Ans., Op.,_ p.
117.--_Tractatus de Concordia praescient, cum lib. arbit. Id.,_ p.
128.--Cf. Boeth., _De Interp. ed. sec.,_ t. III.]
Quant aux conclusions que cette methode lui suggere, on ne saurait les
adopter sans examen. Si nous ne les discutons pas ici, ce n'est pas
qu'elles soient au-dessus de la discussion. Tant qu'il parle du libre
arbitre en lui-meme, il nous parait dans le vrai. Mais quand il passe de
l'exposition du fait a la conciliation de ce fait avec l'ordre du
monde, avec la nature de Dieu, je ne dis point qu'il s'egare, mais il
s'aventure. La toute-puissance de Dieu est donnee comme absolue par
les theologiens. Sa volonte est la nature des choses, dit saint
Augustin[269]. Il peut etre philosophique de subordonner sa volonte et
sa puissance a sa perfection; mais ce n'est pas une decision qui aille
de soi, et l'on trouverait difficilement un ecrivain ecclesiastique
accredite qui souscrivit a la theorie d'Abelard au moins dans ses
termes, bien qu'il soit impossible de ne pas admettre quelque chose
d'analogue, des qu'on remue les problemes de la prescience et de la
liberte, de la bonte divine et de l'existence du mal. Aucune doctrine
sur ces points n'est exempte de contradiction, peut-etre parce que la
contradiction est dans les choses, autant du moins qu'elles nous
sont connues. Mais ici la mesure, les nuances, les expressions sont
importantes, et malgre de justes precautions, Abelard n'a point echappe
a l'erreur ou du moins aux appar
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