" Independamment des citations des anciens, ceux-memes, dit-il,
qui repoussent les mots sacramentels de notre foi, _Dieu le pere, Dieu
le fils_, sont d'accord avec nous sur le fond de l'idee. Demandez-leur
s'ils croient a la sagesse de Dieu, s'ils croient a sa bonte: cette
croyance suffit; avec cet aveu, on peut convertir les plus eloignes de
nous. C'est pour eux qu'il est ecrit: "On croit du coeur a la justice."
(Rom. X, 10.)
"Voila, dit Abelard en finissant, ce que nous avons ose ecrire
touchant la plus haute et incomprehensible philosophie de la Divinite,
incessamment force et provoque par l'importunite des infideles,
n'affirmant rien de ce que nous disons, et ne pretendant pas enseigner
la verite que nous faisons profession de ne pas savoir. Mais ceux qui se
glorifient de combattre notre foi, ne cherchent pas non plus la verite,
mais le combat. Attaques, si nous pouvons leur resister, il doit suffire
que nous nous defendions. Ceux, qui se font agresseurs, s'ils ne
triomphent, succombent dans leur dessein et disparaissent. Et puisqu'ils
nous attaquent principalement avec des raisons philosophiques, nous
aussi nous avons de preference, recherche celles qu'on ne saurait
pleinement entendre, si l'on n'a consacre ses veilles aux etudes
philosophiques et surtout dialectiques. Il etait vraiment necessaire que
notre resistance a nos adversaires usat des moyens qu'ils acceptent, nul
ne pouvant etre accuse ou refute que sur les points accordes par lui,
pour que ce jugement de la verite fut accompli: _Sur le temoignage de ta
propre bouche, mauvais serviteur, je te condamne[298]."
[Note 298: _Theol. Chr._, t. IV, p. 1344.---Luc, XIX, 22.]
On ne sait plus guere la theologie; et peut-etre pensera-t-on que ces
distinctions infinies sur la nature de la Trinite sont l'oeuvre speciale
du genie subtil d'Abelard, tout au moins un produit passager de l'esprit
ingenieusement frivole des scolastiques, et dans tous les cas une
collection dangereuse d'idees hasardees et d'heresies en germe. Qu'on se
rassure, Abelard a tres-peu invente. Sauf quelques arguments de detail,
il ne sort pas du cercle trace par les theologiens. Des questions qu'il
parcourt, bien peu ont ete inconnues des Peres de l'Eglise; toutes se
sont perpetuees dans les ecoles de theologie. Nous devons meme ajouter
qu'en general les solutions qu'il donne sont legitimes, et que, meme sur
les points abandonnes a l'appreciation des docteurs, sur les _questions_
restees _ouve
|