qu'Othon de Frisingen et les modernes en ont
juge[363]; mais cette accusation plus specieuse ne nous semble pas plus
exacte. Repetons d'abord que l'intention est irreprochable; puis, quant
a la doctrine, elle ne tend pas plus que toute autre a convertir les
personnes divines en abstractions. C'est le peril commun de toute
metaphysique sur ce dogme difficile, et le nominalisme y ajoute peu de
chose; seulement le lecteur est en general nominaliste, et quand on veut
lui faire separer a un certain degre la substance et la personne, il
penche a n'accorder a la personne qu'une existence nominale, et dans sa
pensee, la doctrine d'Abelard devient en ce sens nominaliste. Mais qu'y
faire? Est-ce Abelard qui a separe la substance de la personne? C'est
l'expression orthodoxe du dogme de la Trinite; quiconque pretendra
discuter ce dogme sons forme scientifique courra grand risque de
paraitre nominaliste, en conduisant le lecteur par la pente du
raisonnement a conclure contre la realite de l'un ou de l'autre des
elements constitutifs du dogme, c'est-a-dire contre l'unite divine ou
contre la distinction des personnes. Du moment qu'on veut ramener un tel
mystere a une conception rationnelle, la raison involontairement impose
a la nature divine les conditions ordinaires de l'etre, ces conditions
qu'elle est habituee a tenir pour necessaires, et soudain la foi dans
la Trinite s'altere et perit. La raison a-t-elle tort d'en agir ainsi?
C'est une autre question, je ne la tranche pas, je ne la discute pas;
mais je dis que c'est la consequence inevitable de l'application
methodique du rationalisme a la Trinite. Encore une fois, ce n'est pas
le nominalisme qui fait le danger de la theologie d'Abelard, c'est la
dialectique.
[Note 362: M. Bouchitte, _Hist. des preuves de l'exist. de Dieu_:--Mem.
de l'Academie des Sciences morales et politiques, t. I, Savants
etrangers, p. 463.]
[Note 363: Ott. Fris., _De Gest. Frid._, I. 1, c. XLVIII.--Bayle, _Dict.
crit._, urt. Abel.--Neander, _S. Bernard et son siecle_, I. III, p.
240.--_Hist. ill._, t. XII, p. 139.--Cousin, _Introd._, p. CXCIX.]
Dans le dogme theologique, en effet (je ne dis pas le dogme chretien),
il se presente une difficulte capitale. L'essence etant une, et les
personnes etant plusieurs, en quoi celles-ci different-elles? La
meilleure maniere peut-etre de resoudre cette question, c'est de ne la
point poser, et de se dire que les trois personnes different par leurs
noms, et que l'Ec
|